Vive les meetings de corridors!

Les moments blancs?

Je citerai librement un livre que j’ai lu il y a déjà quelques années. Ce livre m’a beaucoup impressionné. Le titre d’abord, «SLACK» de Tom De Marco. Un livre génial selon moi. Une lecture rafraîchissante. Un must. Un… hmmm… Enfin, j’ai beaucoup apprécié.

En gros, le titre dit tout. Ralentissez!

Le modèle est simple. Depuis les réingénieries des années 80, toutes les organisations se sont remises en question. Down-sizing, re-engineering, right-sizing, re-structure, re-organisation, en voulez-vous des noms? En voilà! Au nom de la performance et de l’efficacité à tout prix, les organisations publiques et privées ont évalué les tâches de chacun et (oh surprise!) ont réalisé que tout un chacun n’était pas occupé à 100%. On va remédier à ça assez raide!

On a remédié à ça assez raide. Et le résultat? Un taux d’épuisement à la hausse, un taux d’absentéisme à la hausse et un petit nouveau qui est apparu: Le syndrome du survivant. Vous savez, les comportements qui sont adoptés par ceux qui ont survécu à la réorganisation… Ceux qui ont une double ou triple tâche et qui ne voient plus la lumière au bout du tunnel… ou alors la lumière est un train! Et plus récemment, on voit poindre le nez du présentéisme. Présentéisme? C’est ce que font les gens qui ont démissionné mentalement, mais qui sont restés physiquement. Ils sont là. Point. Aucune énergie, aucun résultat si ce n’est que de servir à laisser les portes ouvertes, celles des autres bureaux, car ils se promènent souvent pour aller se lamenter chez les collègues.

Pas drôle du tout. Ni pour ceux qui en sont affectés. Ni pour ceux qui subissent les humeurs de ceux qui en sont affectés. Mais d’où viennent ces comportements?

Le travail n’a jamais tué personne. Le stress ne provient d’ailleurs pas de la somme de travail à abattre, mais plutôt de la façon dont nous le faisons. Et aussi des boucles restées ouvertes. Combien de projets intéressants ont été abandonnés en cours de route, faute de planification, de ressources ou autres raisons qui ne semblent jamais les bonnes? Toutes ces choses restées incomplètes, jour après jour, nous grugent l’énergie. Oubliez le travail innovateur et créatif après quelques mois de ce traitement.

Et «Slack» alors? Plusieurs items m’on sauté aux yeux. Je vous en parle de mémoire après quelques années. J’en ai oublié de grands morceaux, mais voici l’essentiel de ce qui reste.

Quand les organisations ont senti le besoin de se redéfinir, ils ont fait appel à des consultants. Ouch! Ceux-là sont souvent cause de problèmes! Ils débarquent chez vous et «analysent» votre situation. Ils «sondent» vos employés et vous reviennent avec leurs solutions. Solutions qui proviennent de la bouche de vos employés en grande partie d’ailleurs!

Il est toujours rigolo de voir qu’en quelques jours, ces consultants puissent trouver une solution qui vous aidera vraiment alors que vous nagez dans vos problèmes… Disons défis… Depuis belle lurette. En fait, ils font du bon travail d’écoute, ce que la plupart des gestionnaires d’aujourd’hui oublient de faire. La solution provenant des employés est souvent la bonne. Leur vision du quotidien, mariée à la vision plus stratégique des consultants, résulte en une proposition de changement intéressante.

Retour en 1980. Une des premières grandes réingénieries fut chez GE avec Neutron Jack, connu aussi sous le nom de Jack Welch. Il est resté 17 ans chez GE après avoir réingéniré (!) 150 000 employés. Il a fait du bon travail certainement, car GE s’est hissé au premier rang mondial par la suite. Et, malgré les douleurs des mises à pied, il a mis en place une structure d’amélioration de la performance qui se tenait. Et basée sur le capital humain. Il dit d’ailleurs dans son autobiographie que les deux personnes les plus importantes sur son « board of directors » étaient le gras… euh… le gars des finances (bien sûr!) et (surprise!) le gars des ressources humaines.

Mais qu’est ce que ces consultants ont bien pu trouver pour remiser 150 000 personnes? Ils ont trouvé, entre autres, que chaque personne n’était pas occupée à 100%. Si 6 personnes sont occupées à 50-80% chacune, il s’en suit, logiquement, que l’élimination d’une (au moins!) ressource optimisera les opérations en «occupant» tout le monde à 80-90?%, voire même 100?%! C’est ça l’efficacité!

Le tour est joué. Voici la facture. Bonne Chance!

Chance? La chance aurait été d’être capable de continuer sans heurt. Mais ça n’est pas arrivé! Au contraire!

Quand on regarde une journée normale de travail, on remarque des trous de non-productivité. Oh, pardon, de non-activité. Subtile, mais oh, combien importante différence!

Léonard Da Vinci (pas n’importe qui quand même!) disait qu’il était le plus productif quand il ne faisait rien. Car en ces moments glorieux, son cerveau travaillait à toute allure. Sa créativité décuplait, ses idées se clarifiaient… Bref, vous voyez la tendance.

Donc une journée normale devrait contenir plusieurs périodes de non-actitivé pour permettre au cerveau de récupérer. Vous rappelez-vous, il y quelques années, quand vous vous dirigiez vers les toilettes ou la salle de break? (La salle de break!! Quand y êtes-vous allé pour la dernière fois? Est-elle encore là ou bien la direction l’a-t-elle remplacée par une salle de photocopieurs parce qu’elle n’était plus utilisée? Quel retour du pendule ahurissant!) Mais je divague… Donc, vous rappelez-vous quand vous vous faisiez interrompre et quand se produisait ce merveilleux outil d’innovation et de créativité, appelé… tenez-vous bien… un…

Meeting de corridor!

On a souvent tenté de discréditer ces moments précieux. On a lâchement essayé de les éliminer! On a blâmé la cigarette d’en causer des superflus (alors là, j’abonde en ce sens…). Mais au total, vous souvenez-vous de votre niveau d’énergie à la fin de ces réunions spontanées. Vous aviez pu partager une nouvelle idée, celle qui vous est venue aux toilettes dans un de ces rares moments privés de relâchement… euh… de relaxatif… de relaxation solitaire! (Mon Dieu, que de lapsus ce malin… ce matin!). Que ce soit en partageant cette idée ou en contribuant à faire évoluer le projet d’un autre ou encore en aidant à trouver une solution simplement en laissant votre collègue vous expliquer un problème et, ce faisant, en le laissant lui-même trouver sa solution, bref… Tout ça!

Les meetings de corridors ont été à la source de bien des solutions. Ils ont fourni à plusieurs l’exutoire dont ils avaient besoin pour clarifier leurs pensées, ventiler leur frustration et faire évoluer l’organisation.

Mais où sont passés ces meetings de corridors?

Ils ont disparu avec la personne qui n’était occupée qu’à 50%. Ce commis ou cette secrétaire qui «tapait» votre lettre a disparu au profit du traitement de texte et du courriel. Les meetings de corridors ne sont souvent plus qu’un court «As-tu reçu mon courriel? Ok Bye!» Fini cet urgent besoin de parler de sa fin de semaine le lundi matin: Écrivez un courriel à votre copain et «cc» ou «bcc» tout le monde. Tous sauront vos déboires de camping et ils auront en plus la possibilité d’effacer votre message avant de le lire.

Mais l’humain là-dedans?

Notre besoin de parler et de partager est sans doute le propre de notre nature humaine. C’est ce qui nous distingue des autres animaux. En fait, c’est peut-être ce qui nous rapproche des autres animaux. Car la plupart des mammifères recherchent la compagnie de leurs semblables. Et ils n’ont pas de courriels!

Un dernier détail de «SLACK». Ces super consultants avaient remarqué que les in basket n’étaient pas toujours pleins chez certaines personnes. Ils n’étaient pas assez occupés! On coupe! Avec le départ des «coupés», les in basket de tous ont soudainement commencé à se remplir. Et le travail a commencé à ralentir. Alors que les gens partiellement occupés pouvaient pallier rapidement et efficacement à une surcharge de travail, les gens au in basket toujours plein, eux, ne pouvaient jamais en faire plus sans laisser tomber quelque chose déjà en cours. Le flot naturel du travail a donc ralenti.

Les in baskets pleins sont maintenant monnaie courante. (Pire! On se souvient que ceux qui avaient un in basket vide se sont fait couper!! On aime notre in basket plein, très plein!) Les projets prennent plus de temps à compléter. La surcharge fait partie de notre vie.

Il n’y pas que ça, mais les réingénieries qui, en apparence, détectent et éliminent les pertes, ces mêmes réingénieries peuvent également avoir des effets pervers. Ont eu des effets pervers.

À force de vouloir devenir tellement efficaces, d’en prendre toujours plus, on oublie parfois, souvent, l’essentiel: On demeure des êtres humains, pas des machines. Comme être humain, j’ai des besoins qui ne sont pas comblés par cette performance à toute épreuve.

J’ai besoin de respirer à l’occasion.

J’ai besoin de parler avec les collègues.

J’ai besoin de laisser à mon cerveau et à mon esprit le temps de cogiter et de créer.

J’ai besoin de «lousse»!

Et vous?

Devoir de la semaine

1- Prenez une marche dans l’édifice 2 ou 3 fois par jour.

2- Allez à la salle de bain la plus éloignée de votre bureau.

3- Osez demander à vos collègues comment leur fin de semaine s’est passée.

Devoir extrême

1- Prenez une pause 2 fois par jour. Allez-y progressivement pour ce devoir-là, car vous risquez d’aimer ça et de devenir «addict». Je vous le souhaite d’ailleurs!

Citation de la semaine

« Reposez-vous! Un champ qui s’est reposé produit une récolte merveilleuse. »   Ovide

Par François Lavallée M. Sc.

 

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