Maux d’épaules
Oui patron!
Mais pourquoi, diantre et parsembleu, devons-nous toujours tout prendre sur nos épaules? Pourquoi faut-il comprendre dans la requête de nos patrons qu’accepter la demande est automatique et obligatoire? Pourquoi la surcharge de travail est-elle commune? Un grand patron de compagnie américaine, et j’ai ici un gracieux moment de sénilité précoce (… oui, j’ai oublié son nom!), a un jour dit que son principal problème au moment de déléguer des tâches était que tout ce qu’il disait, commentaires, opinions, etc., était considéré comme un ordre.
Hey, attendez une minute… Ça voudrait dire que les patrons ne s’attendent pas toujours à ce qu’on dise oui?
Woaw… intense!
En fait, comme patron, je me souviens d’occasions où je voulais tout simplement savoir si tel ou tel autre projet était possible… et on me répondait souvent par l’affirmative pour aboutir, quelques mois plus tard, à devoir annoncer un retard ou une annulation de projet…
Donc, une requête de patron pourrait être simplement… une requête?
D’où vient cette tendance à dire oui avant de réfléchir tout simplement parce que le boss nous le demande? Un gène de la hiérarchie qui fut passé de génération en génération, parce que synonyme de survie?
« Survival of the fittest » disait Darwin.
Ouais, il disait aussi que ceux qui survivent ne sont pas nécessairement les plus forts, les plus vites ou, par rapport à des humains, plus intelligents (je me permets de faire une distinction, car nous sommes, en tant qu’homo sapiens, suprêmement adapté à notre environnement grâce à notre cortex bien développé – bien que ma conjointe a tendance à considérer les hommes comme des homo erectus et je me tue à lui dire que les homo erectus furent l’espèce qui a précédé les homo sapiens dans l’évolution… ce qui ne fait que confirmer sa conclusion… selon elle, bien sûr, et nos opinions divergent à ce sujet!). Donc, ceux qui survivent ne sont pas nécessairement plus intelligents, mais bien mieux adaptés à leurs environnements.
Et si nous inversions la loi de la sélection naturelle? Si nous agissions d’abord en êtres plus intelligents, plutôt que d’essayer de s’adapter à la structure hiérarchique que nous connaissons bien? Et si on ne répondait plus « OUI » spontanément?
Je vous raconte une anecdote vécue par un copain, appelons-le Anatole (bon, j’avoue que ça n’aide pas la cause de l’intelligence quand on a un copain qui porte ce nom… autre temps, autres mœurs). Anatole avait donc accepté plusieurs mandats, tout bon employé ultraperformant qu’il était. Et son patron en remettait chaque semaine, en bon patron diligent et efficace qu’il était. Mais Anatole a soudainement senti le fardeau qui s’accumulait sur ses épaules vers le mois de septembre. En évaluant précisément qu’il restait moins de 90 jours de calendrier avant Noël, Anatole a réalisé qu’en enlevant les fins de semaine, il n’en restait que 57 pour compléter les projets avant la fin de l’année. Projets qui, selon ses estimés préliminaires, nécessiteraient au moins 95 jours de travail.
Bonne nouvelle : Il arriverait à Noël en même temps que tout le monde.
Mauvaise nouvelle : Noël devrait être déplacé de 2 mois pour qu’il puisse y être en même temps que tout le monde.
Pire nouvelle : Comme le 25 décembre a peu changé de place depuis 2 000 ans, Anatole devrait penser à autre chose et peut-être… gulp!… confronter son patron pour lui annoncer…
Annoncer quoi au juste? Son échec cuisant à ne pas remplir ses obligations? L’échec de son patron en égard à ces attentes non réalistes? ( Un CLM en passant… career limiting move!)
En fait, Anatole a fait honneur à son nom et a agi intelligemment (parce qu’en fait Anatole tient son nom d’Anatole France, un prix Nobel de littérature et membre de l’Académie française… haha on en apprend tous les jours!). En compilant avec attention tous les mandats et projets en cours et en assignant à chacun un temps d’exécution raisonnable, Anatole put en tirer des conclusions. Oh, bien sûr, il a dû travailler de façon à présenter tout cela au patron de façon à lui épargner trop d’effort de réflexion et pour lui faciliter la décision. DONC… un tableau Excel avec les totaux en gras. Et chaque projet bien délimité.
La conclusion? 95 jours de travail à effectuer en 57 jours ouvrables avant la fin de l’année. Ça, on le savait déjà.
L’autre conclusion, en fait une question, et celle-là, elle valait son poids en doublons espagnols! « Alors, boss, que préfères-tu que je laisse tomber? »
Remarquez la subtile référence au boss… le TU! Anatole lui laisse donc tout son pouvoir de décision et d’autorité. Notez également l’autre non moins subtile référence… laisser tomber! Anatole ne lui demande pas ce qu’il doit FAIRE, mais bien ce qu’il doit éliminer.
La grande conclusion? The final outcome… Anatole a travaillé 57 jours et a célébré Noël en famille tout en augmentant sa crédibilité envers son patron et démontrant qu’il était un génial gestionnaire de projet. Et les projets éliminés? Il ne les a plus jamais revus…
Et vous? Combien de projets devraient-ils être éliminés de votre assiette pour prévenir l’indigestion (indi-gestion comme dans le contraire de Gestion…)? Vous serez surpris de réaliser, à la fin de cet exercice tout simple, que votre patron supportera vos subtiles conclusions…
Vous n’aurez pas l’air de quelqu’un qui ne livre pas assez… Au contraire! Vous allez le rassurer de votre enthousiasme à faire les bonnes choses pour lui rendre service.
Vous n’aurez pas l’air de celui ou celle qui n’achève jamais ces projets… Au contraire! Vous aurez priorisé AVEC votre patron vos projets importants et les aurez complétés.
Vous n’aurez pas la réputation de travailler beaucoup, mais de ne rien faire avancer… Au contraire! Vous aurez la réputation de conserver votre équilibre mental, social et familial tout en générant des résultats probants.
Un récent livre dont on parle beaucoup traite du talent. Dans « Talent is overrated », Geoff Colvin nous explique que le talent se cultive à force de persévérance, d’efforts, et de pratiques bien conçues et répétées afin d’atteindre un objectif. Et il nous explique que nos environnements de travail vont presque à l’encontre de ces principes. L’erreur n’est pas permise, l’erreur répétée est suivie immanquablement par un passage au « bureau » et le temps de préparation est compressé à outrance. Bref… le boulot ne nous permet pas de nous améliorer.
À moins d’Anatoler le tout!
Et ça passe par…
La planification!
La priorisation!
et la bonne communication avec son patron, ses collègues, etc.
Pas de surprise donc.
La grande surprise est la satisfaction du patron d’Anatole à prendre la décision de laisser tomber les projets. Tout à fait justifiable d’ailleurs, car ces projets n’auraient pas dû voir le jour.
La clé du succès est donc :
Un objectif clair
Des priorités claires
Et un indéfectible désir de dire NON au reste.
Je répète le mot clé.
NON!
Ça ne fait pas si mal et on y prend goût. Jamais facile, mais c’est un talent qui se cultive…
– À force de répéter
– À force de pratiquer à le dire de la bonne façon… avec le sourire!
– À force de revoir ses priorités et de les garder à portée de la main
Défi
1- Faites une liste de vos projets et mandats. TOUS vos projets et mandats.
2- Indiquez le temps requis pour chacun
3- Ajoutez 50% de temps
4- Faites le total
5- Évaluez le nombre de jours avant la période des fêtes
6- Enlevez 3 jours
7- Identifiez une personne qui pourrait faire le travail à votre place… au cas où le patron ne comprendrait pas tout de suite.
8- Allez voir votre patron en lui demandant son aide, son opinion, son avis et dites, après avoir présenté le tableau :
« Alors boss, que préfères-tu que je laisser tomber ? »
OU
« Alors boss, que préfères-tu que je reporte quelque temps? »
ATTENTION!!! Insistez sur le fait que vous devez enlever des choses de votre assiette pour mieux effectuer les projets prioritaires.
ATTENTION!!! Laissez-le décider.
9- Et pratiquez, pratiquez, pratiquez!!
Citation inspirante
« Utilisez vos talents; la forêt serait bien silencieuse si seuls chantaient les oiseaux qui chantent le mieux » Henry Van Dyke
Citations inspirantes d’Anatole France :
« C’est la nature humaine de penser sagement, mais d’agir de façon absurde »
« Pour accomplir de grandes choses, nous devons non seulement agir, mais également rêver, non seulement planifier, mais aussi croire. »
Par François Lavallée, M. Sc.
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