Je me souviens de ce jour, comme si c’était hier.
Après tout, on ne quitte pas son emploi tous les jours.
Surtout pas le jour de votre plus grand accomplissement !
J’ai quitté ce jour-là, il y a maintenant plus de huit ans. Le jour où les représentants des instances réglementaires quittaient la compagnie plus tôt que prévu, satisfaits de leur visite.
En fait, ils venaient en s’attendant au pire et ils sont partis plus tôt que prévu parce qu’ils ne trouvaient rien d’anormal. Au contraire ! Alors pourquoi s’acharner ?
Pourquoi, en effet ?
Nous avions des systèmes de qualité performants, une excellente documentation pour les supporter. Mais, plus important encore, nous avions travaillé avec toutes les équipes pour créer une culture de qualité. Et on m’a fait réaliser, avec beaucoup d’humilité, que j’avais joué un grand rôle dans ce changement de mentalité.
J’y croyais. Je le vivais au quotidien. Je le communiquais. Et j’agissais en accord avec cette philosophie.
Mais, plus important encore, je n’étais pas seul dans cet effort de bien faire. Nous y croyions tous !
Et quelques mois avant que je ne quitte, la gestion minceur (Lean) est arrivée : LE GRAND DÉGRAISSAGE !
J’aurais dû rester. Je ne l’ai pas fait. Ce fut en fait LA grande question de mon entrevue de départ avec notre VP : « Pourquoi n’as-tu pas sauté dans ce merveilleux train ? »
Comme si je n’avais pas tant voulu y croire !
J’ai toujours pensé que la gestion minceur (Lean) Modèle Toyota, la méthode Deming ou quoi que ce soit d’autre, toutes ces tendances d’amélioration de la performance n’avaient qu’un seul et même but soit d’améliorer la performance d’une entreprise en utilisant l’ultime outil de toute organisation : son capital humain.
En lisant un récent article de la revue Quality Progress (quel extraordinaire magazine!!), je parcourus un article qui me rappela exactement cela : “les outils pour développer les gens pour leur permettre d’atteindre des résultats ». Oh oui, avec des outils spécifiques, mais le concept de gestion Lean est plus, beaucoup plus que de simples outils. Les outils sont disponibles partout… mais ça ne fera pas de votre organisation la nouvelle Toyota !
Les outils sont facilement mis en place. Une courte formation, un peu d’accompagnement, de coaching …et voilà !
Mais l’amélioration continue et soutenue ne se fait pas et ne se fera pas si l’emphase est mise seulement sur les outils. Tout cela fonctionnera pour un temps. Les succès à court terme ont toujours été un élément motivateur des gestionnaires orientés sur les dividendes trimestriels (ahh…les fameux bonus !). Cependant, une initiative Lean fondée sur les succès à court terme est vouée à l’échec.
Le mode de gestion Lean ne peut ni ne doit pas être un «maigre» moyen de compenser pour une absence de gestion efficace ou une absence de vision à long terme.
Aider les gens à améliorer leur façon de penser est au centre de tout programme d’amélioration de la qualité. C’est tellement plus important que n’importe quel programme de formation. Ceci implique un engagement de l’équipe de direction sur une base continue de façon à supporter l’implantation de ces outils extraordinaires.
ll s’agit aussi de réfléchir à l’amélioration comme un spectre continu de l’effort allant de l’amélioration du personnel à l’amélioration de l’équipe à l’amélioration de l’organisation. Peter Senge avait tout consigné dans son livre : La Cinquième Discipline :
Ces cinq disciplines sont :
- La maîtrise personnelle
- La remise en question des modèles mentaux
- La vision partagée
- L’apprentissage en équipe
- Et la cinquième, bien sûr… La pensée systémique
Tellllllement semblable à plusieurs des 14 points de Deming ou au programme «absolu de gestion de la qualité» en 14 étapes de Crosby. Mais en tout cela, les humains en sont la clé !
Tenter de mettre en œuvre des programmes de gestion Lean sans un fort accent sur la philosophie de gestion produira un succès Lean «moyen».
J’entends encore régulièrement parler des initiatives d’excellence opérationnelle, mais jamais sur l’excellence organisationnelle ni sur la transformation de la qualité. Enfin, presque jamais.
Oh oui, ça marche !
Oh oui, ça exige plus de travail car ça ne cesse jamais !
Oh oui, c’est vrai que ce n’est pas le résultat qui compte mais plutôt le chemin pour s’y rendre !
Mais cela vaut la peine.
Oh, j’allais oublier. Ma réponse à la question de mon VP précité :
Pourquoi n’ai-je pas sauté dans le bateau de la gestion Lean ?
Parce que je ne sentais pas, au plus profond de moi, que l’équipe de gestion y était impliquée. Oh, ils se sont appuyés certainement sur de bons outils, mais leur cœur n’y était pas.
Ils ne se sont pas penchés du bon côté de la gestion Lean.
Je dois admettre qu’ils ont obtenu des résultats étonnants ! Pendant un certain temps.
Je dois admettre qu’ils ont amélioré énormément de processus; pendant un certain temps.
Huit ans plus tard, leur organisation était vrrrrrrraiment maigre; plus de matières grasses … mais plus beaucoup de viande non plus !
Plusieurs bons employés ont quittés, comme prévu, après une importante initiative de changement.
Beaucoup de gens sont restés, mais ils ont mentalement démissionné et se contentent de donner de la «qualité» sans vraiment y avoir mis tout leur cœur.
Je n’ai pas encore entendu de commentaires positifs provenant du plancher à propos de la «mentalité de qualité». La situation est différente en provenance des cadres. Les résultats présentés démontrent assurément la justification de la mise en œuvre du concept Lean d’il y a huit ans.
Toyota était bien partie avec la «méthode Toyota»… jusqu’à ce que la raison d’être, la vision partagée, ait commencé à s’estomper….et que les rappels des dernières années les ramenèrent à l’ordre, du moins, espérons-le !
Peter Senge avait raison avec sa pensée systémique : « Il ne faut pas compter seulement sur la mise en œuvre des outils d’amélioration de l’entreprise. Ils font «partie» de cette amélioration mais n’en sont pas le coeur »!
Pourquoi ai-je quitté ? Parce que le cœur n’y était pas.
J’ai souri en me dirigeant vers la sortie, alors que je regardais pour la dernière fois en direction de mon VP et j’ai vraiment senti que je prenais la bonne décision, celle du cœur.
Je souris encore …
Et vous ?
© Copyrighted material Aliter Concept 2014. Please do not print or copy without permission from the author.
ARTICLES RÉCENTS
4 mars 2021
Sévices postaux mésadaptés
Réflexion de qualité,Aliter Sensa
Mars 2021. Une année de pandémie et de restrictions sanitaires. Un an où la planète a appris à…
28 janvier 2020
Quelles sont les conditions de votre situation ?
Réflexion de qualité,Aliter Sensa
Quelles sont les conditions de votre situation? Question simple et efficace. Pourquoi l'oublie-t-on…
5 décembre 2017
La grenouille et le tai-chi
Réflexion de qualité,Biologie organisationnelle
La grenouille et le taichi... encore un titre sauté! Pratiquer le tai-chi est un défi. Bien le…
17 octobre 2017
Gérer le contexte et non le texte con
Réflexion de qualité,Biologie organisationnelle
Gérer le contexte et non le texte con. Non, pas un mauvais jeu de mots. Je suis abonné à…
D’accord avec toi François sur beaucoup d’aspects. J’utilise une petite équation simple depuis longtemps dans la gestion du changement et qui s’applique aux nombreuses approches que ce soit, Lean, Six Sigma et autres
QXA=E la qualité des outils et des programmes multipliée par l’attitude et l’engagement des gens egal aux résultats et l’énergie démontré. Si on a les meilleurs outils au monde, les meilleurs processus, les meilkleurs systèmes etc. mais qu’il n’ya pas ou peu d’engament, surotut au niveau Exécutif, les résukltas seront de Zéro. Le capiatl humain est le multiplicateur essentiel à la réussite.
Heureusement, il y a plusieurs exemples de réussites au Québec comme Bombarider Aéronautique et Bombardier Produits récréatifs et autres. Cela demande un investissement dans le développement des gens et un engagement continuel, sans compromis. On ne change pas une culture rapidement. la persistence est la clé.
Tout à fait d’accord, particulièrement sur l’importance de l’engagement. Un changement de culture cela demande un leader qui personnifie cette nouvelle vision, qui donne le ton et surtout qui permet de croire que cette volonté est bien ancrée: « Il est nécessaire que les bottines suivent la babines ».
Mon attention a été retenu par La Cinquième Discipline, de Peter Senge cité dans votre texte . Je crois effectivement que ces cinq disciplines articulent bien la formation continue qui doit se faire dans une organisation axée sur la qualité: La maîtrise personnelle, la remise en question des modèles mentaux, la vision partagée, l’apprentissage en équipe, et la pensée systémique.
Pour assuré une bonne implantation des outils Lean il faudrait s’assurer que le niveau de développement de chacune de ces disciplines soit proportionnel au niveau de responsabilités liés à la gestion de la qualité de chaque individu.
Car les outils ne sont qu’un moyen jamais une fin en soi. Il faut s’assurer que l’habileté, la conviction , la motivation, la passion et surtout l’engagement de chacun s’oriente vers le même but dans la même vision de qualité. En l’absence d’engagement la méthode Lean et les autres finissent par simplement rationaliser et démotiver…
Merci pour vos commentaires!
L’engagement de l’équipe de gestion …..
Un engagement au bon niveau…
(http://francoislavallee.com/reg-less-not-reckless-quality/)
En engagement envers la mission, la culture qualité et non seulement envers l’atteinte des résultats financiers – importants mais pas une fin en soi….