Si on devait porter un oeil critique sur tous les autres écarts et déviations aux Bonnes Pratiques de Fabrication, toutes ces minuscules déviations qui passent presque inaperçues, mais dont les auteurs sont très souvent conscients – vous savez, les p’tites vites, les raccourcis, les « check lists » cochées trèèèèèèès rapidement, les vérifications assumées, etc. – et toutes les autres déviations qui sont devenues notre héritage à force de faire plus vite, plus fort, plus efficacement, plus, plus, plus avec moins… Bref, encore une fois une variable ressort de ces équations : l’humain, l’erreur humaine.

La grande ironie dans tout cela est la prise de conscience très rudimentaire qui en découle : Si l’humain est la source de l’erreur, corrigeons l’humain! Solution : formation!

ENCORE!

C’est à ce moment que j’interroge mes interlocuteurs :

  1. La personne ou le groupe identifié par votre action corrective… VOUS l’avez ou les avez engagés vous-mêmes? …Euh oui.
  2. Cet individu… Vous l’avez jugé intelligent et apte à travailler? …Euh, oui.
  3. Vous l’avez formé? Euh… oui
  4. Formé sur les procédures écrites et approuvées par des gens compétents? Euh… oui.
  5. Et ces individus ont suivi la formation avec succès? …Euh, oui…
  6. Alors, qu’est-ce qu’une formation additionnelle, sur les mêmes individus, avec les mêmes procédures et la même évaluation de succès pourrait-elle changé? Euh………..

C’est ici que j’introduis la notion de niveau de conscience. Oh, rien de bien nouveau. Les 3 niveaux de savoir et blablabla. Mais poursuivez quand même la lecture… ça finit bien!

NIVEAU 1 de conscience : le savoir.

Ce que j’appelle le QUOI. Très simple, le QUOI, ce sont les Bonnes Pratiques de Fabrication! Les sacro-saintes écritures réglementaires. Tout est là! Le fait que les investigateurs s’y recommandent et trouvent encore de grossières incongruités démontre que ce niveau de conscience n’est pas suffisant. Pour vous convaincre de la véracité de mon énoncé, lisez quelques « Warning letters » et vous verrez que plusieurs compagnies (pas la vôtre!) ont encore du chemin à faire!

Le niveau 1, le savoir, le QUOI est donc nécessaire, mais pas suffisant pour régler les non-conformités. Il faut passer au suivant suivant pour faire briller l’espoir éducationnel plus fort.

NIVEAU 2 de conscience : le savoir-faire.

Je l’appelle le COMMENT. QUOI, c’est bien, COMMENT c’est mieux. Ici entrent en jeu les procédures de tous acabits dont les acronymes sont variés mais communs SOP, BOP, MON, PON selon votre culture et votre langage.

Ce niveau est important, car il définit la marche à suivre. Les procédures deviennent la recette du succès. Étapes par étapes, elles nous indiquent, parfois avec un niveau de détails ahurissant, la voie vers la conformité. Écrites par des experts en la matière, des SME, et révisées par l’assurance qualité, elles sont un gage de qualité… si on les respecte.

Car en augmentant le niveau de détails, on augmente également la probabilité d’écart. Plus de détails, davantage d’encadrement, ajoutez à cela un environnement où on vénère l’efficacité et la vitesse et les chances d’oublier une étape ou de la modifier volontairement (pour mieux faire!) augmentent en flèche.

Bonjour les déviations…

Et pourtant, tout devrait être clair et facile à respecter! Il faut donc penser au niveau 3.

NIVEAU 3 de conscience : le savoir-agir.

Le savoir-agir passe par la compréhension du POURQUOI. Le savoir agir se différencie du savoir-faire, car on ne parle pas seulement d’exécuter les tâches, mais bien de les exécuter quand il le faut, comme il le faut ET de savoir quand s’arrêter et s’interroger. Pour y réussir, il est essentiel de revenir en arrière et de se rappeler pourquoi les Bonnes Pratiques de Fabrication ont été mises en place. Sans tomber dans le mélodramatique, l’histoire nous remet en tête que le but premier des Bonnes Pratiques de Fabrication est la santé et la sécurité du public. Toutes les compagnies pharmaceutiques sont, à la base, des compagnies qui ont a coeur leurs patients. J’avoue que les récents scandales nous incitent à croire le contraire mais à la base, une compagnie est créée pour servir une clientèle. Les profits viennent ensuite, inéluctablement. Revenir à la source des Bonnes Pratiques de Fabrication est primordial. Expliquer le pourquoi de la réglementation, faire prendre conscience que les déviations et les écarts ne sont pas tolérables lorsqu’on réfléchit aux conséquences sur la vie des patients.

Malheureusement, les réunions d’équipe sont trop souvent axées sur les indices de performance, les « chiffres » du trimestre, plutôt que sur le nombre de patients servis, le nombre de vies sauvées ou encore sur les impacts négatifs sur Sylvie, Jean-Paul et Émile à cause d’un écart de notre part. Humanisons les processus et leurs conséquences. « Quand on comprend le POURQUOI, on peut vire avec le  COMMENT » …J’aurais aimé y penser à celle-ci, mais Nietzche m’a pris de vitesse. Au final, il est mort et moi pas!

Et il reste un dernier niveau de conscience

NIVEAU 4 de conscience : le savoir-être.

Le POURQUOI MOI. On parle d’éthique et de déontologie. Le code de déontologie de chaque compagnie est la série de normes de comportement. Encore du quoi, mais à un niveau plus élevé. Ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. OK.

Lorsqu’on aborde l’éthique, cependant, on vise un niveau plus élevé, au-delà des normes de comportement. On aborde le non-dit, le tacite, l’indicible élocutoire comme le disait Hubert Aquin. On entre dans une zone grise ou les énoncés suivants prennent racine :

Lorsque les moeurs sont fortes, les lois ne sont pas nécessaires.

Lorsque les moeurs sont faibles, les lois ne sont pas suffisantes….

Ou encore

Une personne sage sait quand et comment faire une exception à chaque règle.

Une personne sage sait improviser quand c’est nécessaire

Une personne sage ne nait pas sage, elle le devient.

Par analogie à KIRKPATRICK (Voir mon billet sur le sujet) j’aurais dû moi aussi commencer mon billet à l’envers, car vraiment le niveau 4 est le plus important et devrait être le niveau 1. Plus long à implanter mais avec tellement plus d’impact. L’industrie est cependant plus concernée par le respect aux Bonnes Pratiques de Fabrication dans ses lettres plutôt que dans son essence. La peur des observations de non-conformité et la crainte de ne pas atteindre les objectifs de performance passent par des décisions à court terme. Et pourtant, S.R. Covey nous le disait,

« Avec les gens, vite, c’est lent et lent, c’est vite! »

Je termine là-dessus.

L’étape suivante est donc une étape d’éducation profonde de nos collègues. Une incroyable synergie pourra éclore de la collaboration entre l’Assurance qualité et la notion conformité, la production et la notion d’efficacité, les ressources humaines et la notion d’efficience du capital humain.

La notion « d’ERREUR » humaine est laissée loin derrière.

En attendant la prochaine chronique… Faites la différence!

Par François Lavallée, M. Sc.

 

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