Je suis toujours surpris de l’ampleur des dégats lorsqu’on néglige la base. Lorsqu’on oublie de regarder la source du problème, n’importe quel problème, on reste avec notre problème ou pire encore, on l’amplifie.
La formation réglementaire est une exigence réglementaire. La loi force la formation sur la loi. Quel suberbe cercle virtueux! Et que fait-on, année après année? On re-forme. Souvent sur à peu près le même sujet. Avec à peu près les même résultats. RIEN! À force de faire de la formation, j’en viens à la conclusion, et ceci est supporté par les recherches dans le domaine, que la formation ne sert presqu’à rien. Super conclusion pour un consultant!
Les recherches démontrent que moins de 10% du contenu est transféré vers les participants. Vous pouvez changer votre contenu, votre méthodologie, prendre des cours d’andragogie, rien n’y fait. Cette barrière du 10 % semble indestructible. ET NOUS LE SAVONS!
Mais ça ne nous empêche pas de reprendre la formule de la « formation annuelle » à chaque fois que la pression réglementaire (ou celle du directeur QA!) vient nous hanter. Et quand les résultats, ou leur absence, viennent nous hanter également, on se dit que de toute façon, il fallait le faire et que nous pouvons maintenant cocher cette case sur notre TO-DO list.
Nous vivons dans une culture KÂCHÉWI ( prononcez lentement à voix haute…). Le Kâchéwi rôde dans nos organisations.
Si on regarde de près le C.02.006, on y lit que tout le personnel doit avoir la formation nécessaire pour satisfaire les intérêts et la santé du public. On peut lire également que les gens sont l’atout le plus précieux de nos organisations, que la vigilance constante est de rigueur et que du personnel qualifié doit effectuer les tâches pour lesquelles ils sont assignés.
Ça, c’est le règlement. Et notre réponse, trop souvent, c’est le Kâchéwi.
Il faut former? Formons.
Un problème de conformité? Formons.
Les superviseurs ne sont pas assez présents sur le plancher et ne communiquent pas adéquatement avec leurs employés? FORMONS!
FORMONS!
FORMONS!
Et à chaque fois on coche la petite case « complété ».
KÂCHÉWI!
Et si on se parlait? Vraiment. Le réglement stipule que la vigilance constante et un haut niveau de compétence sont requis pour assurer la qualité de nos produits. On mentionne également que sans une formation convenable et un comportement adéquat il est presqu’impossible de fabriquer en toute conformité. Et il est même spécifié qu’il est essentiel d’accorder une grande importance au contrôle de la fabrication. Tout ça dans un article parlant de « notre atout le plus précieux », nos employés.
Est-ce possible d’être plus clair? L’humain est au centre de la qualité de nos produits. Je dis souvent que la qualité, c’est les gens! Et , au risque de me répéter, trop souvent c’est le Kâchéwi qui prévaut! Prenons un peu de recul.
Si l’être humain est au coeur de la qualité, si le taux habituel de transfert de nos formation est de 10 %, si on continue à prendre à la légère les rappels de formation réglementaire comme un fardeau à compléter, on est en droit de se demander comment nous serons en mesure de garantir la qualité de nos produits à nos clients sans se regarder les pieds, rouges de honte.
Je n’ai abordé que le principe du règlement. Oublions les interprétations pour le moment. En effet, comment penser à aller plus loin si le principe de base n’est pas respecté. Pourquoi s’en faire avec une sélection de candidats basée sur le diplôme si on ne peut assurer à ces diplômés un plan de développement personnalisé et efficace? Pourquoi faire des efforts pour évaluer périodiquement l’efficacité de la formation (niveau 1, niveau 2, niveau 3 et 4 si vous le désirez…. Et pourquoi pas le niveau 5, le ROI?) si les résultats ne sont pas communiqués à une équipe de gestion qui n’est intéressée que par les chiffres (à la hausse j’espère!) des unités de production? Pourquoi s’évertuer à rédiger des demandes de subventions qui sont accordées avec grands éclats médiatiques si les groupes formation et les employés qu’ils représentent n’en bénéficient même pas?
Mais tout n’est pas si sombre! En revenant à la base des besoins de nos employés et collègues, il est possible de faire de grandes choses.
Je lisais récemment sur les bienfaits des réunions en Forum Ouvert. Le principe de base derrière le Forum Ouvert est d’ouvrir un espace de discussion .On dit Open Space en anglais. Cet espace de discussion permet à tous de contribuer à leur façon, avec toute leur passion, sur des sujets qui les intéressent, pour trouver des solutions complètement surprenantes. Pourquoi surprenantes? Parce que le Forum Ouvert fonctionne le mieux quand les gens qui le compose ne se connaissent pas beaucoup, ont eu peu ou pas d’interaction dans le passé, sont différents les uns des autres tout en ayant en commun la passion de discuter du sujet qu’ils ont choisis.
Quel contraste avec nos équipes de gestion et nos équipes de travail actuelles! Ces équipes qui sont ensemble depuis des lunes, encrassées malgré elles dans le voile psychologique de la bienséance « politically correct », celle qui étouffe la créativité et ultimement notre humanité.
Retour à la case départ : Pourquoi ne pas ouvrir un espace avec nos employés pour découvrir avec eux ce qui cloche avec la conformité de nos usines? Pourquoi ne pas permettre à ces gens qui ont à coeur le succès de nos entreprises, de LEUR compagnie, de contribuer à l’épanouissement de nouveaux pro-cessus, plus conformes, plus solides et plus humains? Oh bien sûr, il y a l’incertain qui lorgne à l’horizon. Le Forum Ouvert requiert que nous laissions notre précieux CONTRÔLE prendre le large. OUCH!!!
J’écoutais récemment l’initiateur des Open Space, Harrison Owen, comparer nos organisations à la gestation humaine. Quel foetus sain d’esprit et capable de décider de son sort accepterait de quitter le confortable utérus maternel et de l’échanger pour notre monde froid et inconnu? Imaginez un instant un environnement où la nourriture vous arrive sans effort et préalablement digérée, une température contrôlée, un coussin aqueux anti-choc, des sons camoufflés, une lumière diffuse, la belle vie quoi!
Et on vous annonce un changement organisationnel important…. Accompagné d’une variation de température et de votre mode d’alimentation… et d’élimination. Ah oui, il faut aussi mentionner que le changement se fera dans la douleur et que vous aurez à passer à travers un tunnel qui, on l’espère, ajustera son diamètre à mesure que vous y pénétrerez…. Dans l »obscurité la plus totale suivie d’une lumière aveuglante. Alors quand seriez-vous prêt, cher monsieur, chère madame, à amorcer le changement?
JAMAIS!
Mais voyez-vous, la nature fait bien les choses. Progressivement, à un stade avancé de la grossesse, le bébé à naître voit son environnement utérin changer et devenir… moins agréable. Il y a soudaiment trop de « bébé » pour l’utérus. Et ce jeune métabolisme commence à travailler de façon autonome. Un ac-couchement retardé pourrait même entraîner un choc toxique pour l’enfant. Dans ces conditions, le bébé, bien à contre-coeur je l’imagine, débute sa descente vers le… vrai monde. Et s’ouvre à la vie. Une vie différente de celle qu’il a connue, mais qui deviendra certes merveilleuse.
Cette métaphore a un lien direct avec nos organisations. Et si nous en étions à cette phase toxique? Et s’il était temps de changer vraiment nos façons de faire? La stagnation actuelle serait-elle salvatrice à la toute fin?
Il faut admettre que la plupart de nos compagnies vivent (ou survivent) grâce à des systèmes bien établis. Normes et procédures, conventions collectives ou autres documents du même acabit nous envahissent et règlent nos vies. Et nous nous en accomodons malgré tout, car, hey, c’est comme ça et la paie arrive toute seule, presque par magie dans nos comptes bancaires.
Je crois que nous sommes tous conscient de notre état de toxicité collective. Nos organisations sont malades… Et nous avec elles! Dans tout ce brouhaha mental, comment faire autrement que développer la Kâchéwi?
Je vous invite à essayer la formule du Forum Ouvert. Lorsqu’un inconfort évident vous habitera au moment de lancer le tout, rappelez-vous que le plus grand atout de nos organisations sera avec vous, dans la même salle. Laissez-les faire ce qu’ils font de mieux
– Parler
– Penser
– Réfléchir
– Avoir du plaisir
– Et créer un nouveau monde!
Dans le fond, c’est du monde!
En attendant la prochaine chronique… Faites la différence!
Par François Lavallée M. Sc.
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