Le leadership latéral

On m’a souvent dit que ma façon de penser était… disons-le poliment…différente.
Je n’y peux rien !
Je vois ou j’entends quelque chose et… POP !… surgit spontanément dans mon esprit une question, une réflexion, une perspective qui ne semble pas correspondre à ce que les gens autour de moi perçoivent. J’ai une grande propension à vocaliser ce qui a émergé et, à ma surprise renouvelée, je reçois alors des réactions qui m’étonnent encore.
Après plus de 50 ans !
Attention : long préambule.
Si vous ne pouvez vous y attaquer, je l’ai mis entre deux diviseurs. Vous pouvez donc rapidemern dérouler pour la suite ! Mais vous allez manquer le punch!

Je suis sexagénaire depuis l’été 2024. Mes premiers souvenirs de rébellion intellectuelle remontent à 1972. Une vague réminiscence d’une « maîtresse » d’école qui a formulé une plainte à mon père en regard de mon indiscipline parce que je ne tenais pas en place…
Et ensuite, en 1975-76, parce que je posais beaucoup de questions…
En un autre souvenir en 1978 parce que je levais la main pour répondre à chaque question que le prof de géographie posait à la question… et faisait des efforts pour demander la réponse à n’importe qui sauf à moi…pfff… je vous jure avoir eu un choc en voyant Hermione Granger dans le premier film d’Harry Potter qui… levait la main pour chaque question.
Et finalement, le prof de chimie organique au collégial, qui a interrompu mes interventions en me demandant de le laisser parler 5 minutes de plus chaque fois que j’allais poser une question…juste au cas où la réponse arriverait…
Au delà de ces évènements en rétrospective cocasses, jamais je ne me suis questionné sur ma façon de questionner ou d’intervenir.
Méchant problème !!
Le problème n’était pas au niveau du fonctionnement bouillonnant de mon cerveau, mais plutôt de l’absence d’introspection ou de rétroaction de la part de mes pairs. Ah oui, on blaguait au sujet de mes interventions, mais jamais on ne parlait des conséquences pour moi et les autres.
Dans un monde conformiste où l’obéissance et la discipline sont de rigueur, mes comportements et questionnements généraient de l’inconfort au mieux, de l’irritation au pire. Mon désir d’apprendre et ma compétitivité naturelle d’Arriver le premier empêchaient mes professeurs de trop critiquer ma « méthode ». Après tout, si l’objectif était de comprendre et d’avoir du succès dans les examens, je démontrais que ça marchait.
Hmmm…
Le premier cours de biologie cellulaire en anglais dans le Leacock 138 (si ma mémoire me sert bien) à l’Université McGill allait changer la donne. J’avais investigué les lieux avant le premier cours le lundi matin de ce mois de septembre 1983. Oh, je n’allais pas chercher l’endroit le matin même du premier cours… oh non… j’avais exploré l’endroit, ou plutôt LES endroits, où se tiendraient les cours de toute la semaine. Dans 3 édifices différents sur le campus. J’étais prêt !
Du moins le pensais-je…
Je n’avais pas ouvert les portes des différentes salles de classe. J’avais seulement localisé les salles… les… auditoriums ?
La surprise fut totale en ce doux matin de septembre 1983 ! Je vois des gens entrer dans le Leacock 138… beaucoup de gens entrer…trop de gens entrer pour une salle de classe. L’auditorium contenant environ 600 places assises… et, une fois assis, en faisant le tour de la salle visuellement, je vis la salle se remplir et continuer de se remplir et voir des gens assis dans les escaliers, tous les escaliers entre les rangées de sièges !! J’évaluais à environ 800 le nombre d’étudiants dans la salle.
Et le cours commença. En anglais. La biologie cellulaire… et j’étais prêt à prendre des notes… tout d’abord, le nom du livre à acheter au « bookstore » de McGill. Leningher… ok. Par chance, le prof Mr Southin l’avait écrit au tableau.
Ensuite… plus rien. J’ai appris par la suite que ce que j’entendais s’appelait du « gibberish »… je ne comprenais rien !! Rien !!! J’ai pris 2 notes ce matin-là « peetreedish » et DNA. Je comprenais DNA ou ADN en français et j’ai ensuite cherché dans le dictionnaire la signification de peetridish…probablement une sorte de bactérie…
Bin non… Petri dish, vase de petri…pfff
Et mes questions ? Aucune. Pour la première fois de ma vie, je ne pouvais poser aucune question. La barrière de la langue d’une part… je ne pouvais articuler ce qui me venait en tête. En fait, il ne me venait rien en tête… Une autre première. Et finalement, le prof avait indiqué qu’il ne prenait aucune question pendant le cours… Écoutez, lisez le livre et venez à mon bureau avec des questions intelligentes… sinon… on verra qui survivra au « mid-term ».
Un autre mot que j’ai appris à reconnaître rapidement… le « mid-term », l’examen de 15 % de la mission. Le premier de 2 examens au total. Quoi ? Le « final » valait 85 % ???
Donc, pas de question, de la lecture, beaucoup de lecture et encore de la lecture. Oubliez les partys d’université… seulement de la lecture et de l’étude pour un « mid-term » de 20 questions à choix de réponses. Mais ouf… notre prof de bio-cell avait aussi une maîtrise en littérature anglaise et ses questions étaient… spécifiques et brillantes. ON a vite compris l’importance le la syntaxe et de la ponctuation !
J’étais un peu encouragé par ma note de 70 %, mais clairement, je n’étais pas dans les premiers de classe. Preuve qu’oser poser des questions fonctionnait ?
Moyenne générale du « mid-term » pour 800 élèves : 35 %.
Ah bon !! Ma poitrine se gonfla d’un peu de fierté !!
Et j’avais maintenant une place assise garantie dans l’auditorium, car je venais de comprendre pourquoi il n’y avait aucun critère de contingentement à ce programme de biochimie : ce test de 15 % avait dégagé environ 30 % de l’auditoire. Cette méthode de sélection fonctionna très bien, car nous fûmes 50 gradués en 1986.
Et je m’en suis bien sorti avec l’anglais finalement !
Et avec l’introspection.

Mais je pose encore beaucoup de questions.
Un long préambule donc pour en arriver à ceci : je pose encore des questions, beaucoup de questions, des questions inconfortables.
ON dit que seulement 5 % des gens osent avouer qu’ils ne comprennent pas. Je fais partie de ces 5 %. Au grand dam de mes collègues et pairs…
On dit aussi qu’il n’y a pas de questions stupides. On dit également qu’il faut mieux avoir l’air ridicule 5 secondes en posant une question que de rester dans l’ignorance pendant 5 h !
Je suis dans le domaine de formation depuis 1996. Presque 30 ans maintenant. J’incite les gens qui assistent à mes formations de formateurs à vénérer les questions. Celles que leurs participants posent et celles qu’ils utilisent envers leurs participants. Je pose moins de questions depuis 2005. 20 ans de carrière en solopreneurs me laissent beaucoup de temps de solitude. Je pose des questions à Google et aux cousins de Chat GPT, mais vous voyez le topo… pas de questions à des humains… ou presque.
J’ai recommencé à poser des questions à l’automne 2024 en devenant membre d’un CA, un conseil d’administration.

Oh boy… ça dérange !

Il y avait longtemps, très longtemps que j’avais reçu autant de regards de désapprobation des gens autour d’une table. J’avais oublié la sensation.  La mémoire est revenue très rapidement. Je dois avouer que le choc des regards, couplé à la prise de conscience de l’impact et de la motivation derrière ses regards (« vas-tu te la fermer ? ») crée un inconfort palpable et… étonnant !  La grande différence est l’aplomb que 60 ans d’existence nous donnent et la stabilité qui en découle. Ainsi que l’expérience acquise au fil des décennies pour tenter de gérer des conflits. Jamais facile, mais…
Se faire qu’on est à côté de la track n’est jamais facile. Mais, on s’habitue. Mieux, je me suis rendu compte que cette facilité à penser hors des sentiers battus, à poser des questions inconfortables, à tenter de comprendre à tout prix a contribué au développement du modèle de leadership latéral.

Le leadership latéral

Le modèle de leadership latéral comporte trois (3) paramètres : la curiosité, la conviction et le courage. L’évaluation de ces trois paramètres m’a permis de mieux comprendre les participants qui assistent à mes interventions et sont un prédicteur de succès, pour mes interventions et pour le processus de développement des participants.

La Curiosité

La pierre d’angle nécessaire à cette posture adoptée au fil des ans est la curiosité.
Le « Global Curiosity Institute » offre un outil d’évaluation de la curiosité. Le test confirme que je suis curieux !
Je veux tout savoir du monde qui m’entoure ! Je saute d’un sujet passionnant à un autre. J’achète des tas de livres sur un sujet, je les dévore et je passe à une autre pile de livres et de vidéo. Véronique Boisjoli, autrice de MULTI, connaît bien le cas !
Je suis aussi curieux de mieux comprendre les autres!  Mais pourquoi diantre, cette personne a-t-elle fait cela ? Je pose des questions ! J’essaie, oh que j’essaie, de ne pas juger, mais surtout de comprendre. Je pose d’autres questions pour éclaircir. Je vois les différences frappantes entre les gens, les cultures, les ethnies et ça me donne le vertige ! On vit sur la même planète, mais nos comportements démontrent tellement de différences dans nos façons de penser!  Les vagues d’émigrants climatiques qui ont commencé nous forcent à tenter par tous les moyens possibles de mieux comprendre les autres. Ouf…
Mon score de curiosité envers les autres est moins élevé que celui envers le monde qui m’entoure. AHA!! Je suis curieux de voir comment je peux améliorer ça !
Et finalement je suis aussi à propos de mes façons de faire. Certaines personnes se posent de sérieuses questions lorsqu’ils entendent mes…questions. Fait-il des efforts pour irriter les autres ? Eh bien non. Être curieux pour comprendre est un réflexe qui se développe. Trop de gens s’empêchent de le faire sous prétexte qu’un moment d’inconfort peut ruiner une réputation. Et pourtant, l’ignorance n’est pas un défaut. Être conscient de son ignorance et ne rien faire pour mitiger cette situation… ah… c’est une autre histoire.
Mais je suis convaincu que mon approche donne de bons résultats. Ceci m’amène à l’autre paramètre du leadership latéral.

La Conviction

Le modèle initial de leadership latéral utilisait la volonté. Il faut de la volonté pour devenir un leader. En réfléchissant à cette notion, j’en suis resté insatisfait. La volonté, ce n’était pas assez puissant. J’ai ensuite raffiné ma réflexion pour augmenter l’impact de ce mot et j’ai utilisé la « convoitise »… une volonté exagérée. Convoiter quelque chose, c’est y tenir par-dessus tout et être prêt à la défendre. Mais encore une fois, « convoitise » avait une connotation qui ne convenait pas à ce que j’avais en tête.
Arrive la « conviction » ! Aha!
Que font les gens convaincus ? Ils communiquent leur conviction. Ils ne peuvent s’empêcher down parler, à la limite du prosélytisme, ces gens sont énergiques, dynamiques ,savant utiliser les bons mots pour faire passer le message, expliquer la signification des idées et des projets… jusqu’à ce que plus de gens s’engagent sur ce chemin peu fréquenté et aident à aller encore plus loin !
Et oui… ça incite plus de gens à oser des questions et à développer la curiosité !
Le leader latéral est curieux et convaincu ! Mon expérience de gestionnaire et les commentaires du supérieur et mentor qui m’a le plus aidé dans mon développement, ont confirmé l’importance dès ces deux paramètres. Ce mentor devenu ami a cependant ajouté un troisième paramètre qui complète le tiercé du leadership latéral.

Le Courage

Le leader latéral est à côté de la track ! Il suit la direction générale, mais a développé une grande curiosité qui le pousse à élargir ses horizons, à tenter de nouvelles façons de faire, à explorer des méthodologies peu orthodoxes, à étudier les succès des autres à voir comment il peut adapter ceci à son environnement.
Le leader latéral (ici, je m’excuse auprès des dames et j’utilise le masculin pour simplifier le propos !) a la conviction profonde que ses idées peuvent s’arrimer aux stratégies générales et s’évertue à discuter avec les collègues (subordonnées et pairs) des possibilités et du potentiel d’innovation et d’amélioration. Il propose de nouveaux projets, explique leur mise en marche, les conséquences sur l’organisation et sur les équipes. Il se prépare à exécuter le plan !
Et comme on peut le prévoir, les premières tentatives ne sont, pas toujours… peu fréquemment… presque jamais fructueuses !
Les nombreux refus et la distance qu’il rencontre peuvent en venir à bout et l’épuiser. Certaines réactions pourraient jusqu’à menacer son intégrité, sa position, sa carrière et faire jaillir le doute!  Combien de fois acceptez-vous un « non » catégorique avant d’abandonner ? J’ai posé la question à de nombreux gestionnaires (oui, une autre question) et la réponse m’a surprise. La réponse la plus fréquente n’est pas 1 seul non. Ce n’est pas 2 ou 3 non plus.
Le plus souvent les gestionnaires avouent qu’ils n’osent même pas faire une demande pour initier un projet qui n’était pas prévu au « plan » ! Il ne tente presque jamais de demander un budget additionnel pour combler un besoin imprévu. La réponse pour le nombre de « non » Que trop de gestionnaires acceptent est… moins de 1. Le « non » est anticipé et ceci suffit pour étouffer le projet, la demander, la requête.
Et pourtant… rappelez-vous, il y a longtemps, très longtemps dans un passé éloigné… Combien de fois avez-vous demandé à vos parents de satisfaire un de vos besoins, fût-il une friandise, un biscuit, un jouet, une activité chère à votre cœur ? Combien de fois à Maman…et ensuite à Papa, dans cet ordre ou dans l’autre. La persistance faisait partie de nos vies d’enfants.
Vos enfants, si vous en avez, font la même chose !
Et la persistance est souvent récompensée !
La même chose s’applique avec votre patron, son patron ou le président de la compagnie. La subtilité est de rigueur cependant. Et le courage est nécessaire.
Le courage de poser des questions pour comprendre
Le courage de savoir ce qu’on vaut.
Le courage de défendre son équipe, le projet et les conséquences pour l’organisation.
Le courage de faire face au confort de l’immobilisme
Le courage de lutter contre le statu quo
Le courage de démontrer l’impact de la stagnation dans l’organisation
Le courage de transformer la bureaucratie et ses technocrates
Le courage de continuer les efforts !
Le courage de ses convictions.

Curiosité

Conviction

 & Courage

Vous aurez ainsi une piste de réflexion à poursuivre. Vous saurez également si vous êtes compatible avec moi et mes méthodes peu orthodoxes de réfléchir en groupe! QUi sait, vous serez peut-être intéressé à joindre le Collectif d’Exploration sur le Leadership Latéral, le C.E.L.L.
Le leadership latéral.
Suivre la voie sans rester sur la voie.
Marcher à côté de la track de chemin de fer sans être à côté de la track !
Cette approche a un avantage certain : ne pas être écrasé lorsque le train passe !
J’adore les métaphores. Celle-ci me fait sourire.
Et m’inspire.

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