Lors de mon passage vers la formation en entreprise, l’une des premières notions « sérieuses » de formation professionnelle à être intégrée fut celle des évaluations de Kirkpatrick. Je n’ai aucun souvenir précis du moment, mais le contenu et les circonstances sont à jamais gravés dans ma mémoire. Tout s’est passé dans un congrès… probablement. Le conférencier a mentionné le niveau 2 de Kirkpatrick… ou était-ce le niveau 1? Bien que les détails s’embrouillent dans ma mémoire vascillante, signe de vieillissement précoce, la conclusion est toujours claire : je ne savais rien!

À force de lecture et de cours, je finis par comprendre. Comprendre également que les évaluations, bien qu’importantes, ne sont pas toutes égales. Kirkpatrick lui-même, dans un récent article, avouait être amer au niveau… des niveaux! En effet, en établissant un niveau 1, il a engendré 40 ans de vains efforts…

Mais je saute des étapes. Commençons par le commencement.

Pourquoi une évaluation de la formation? Pour remettre en contexte les besoins préalablement analysés de ladite formation. Une évaluation de formation permet de confirmer que le besoin a été comblé, que la formation fut valable et rentable pour l’entreprise et pour le participant. L’évaluation permet également de recentrer les efforts autour des écarts identifiés. L’évaluation, enfin, justifie et confirme la raison d’être du service de formation. En effet, pourquoi investir en formation si on n’en perçoit jamais les résultats?

Qui dit résultats, dit aussi impacts sur l’Entreprise. L’évaluation ne doit donc pas être seulement théorique. L’évaluation de la formation doit pouvoir donner une mesure claire en termes clairs sur l’état des choses, sur la « business »… oh, oh… On s’éloigne du questionnaire de 10 vrais ou faux… Et c’est ici que Kirkpatrick a fait sa marque. En faisant un lien direct avec les différents niveaux de besoins de formation, Kirkpatrick a élaboré 4 niveaux d’évaluation. Un cinquième niveau a été ajouté récemment par Jack Phillips (quoique moins connu) : le ROI… sujet d’une chronique ultérieure.

Le premier niveau de besoin, lors d’une analyse complète, inclut les besoins organisationnels, les besoins d’affaire de l’entreprise, la raison d’être, le POURQUOI des grandes décisions: part de marché, restructure, fusion, etc. Les besoins criants de l’organisation seront aux premières loges de la discussion lorsque le chef de formation proposera son plan de formation. Kirkpatrick a donc pensé à une évaluation de l’impact de la formation sur la ligne du bas… le rendement financier de l’Entreprise. La formation a-t-elle un impact sur la rentabilité en réduisant les rejets, augmentant la qualité, accélérant les processus, améliorant les procédés, etc. Évidemment, ceci implique quelques mesures préalables contre lesquelles il faudra se comparer. C’est le niveau 4 de Kirkpatrick : Impact sur la « business ».

Une fois les besoins organisationnels bien cernés, considérons les besoins fonctionnels, le QUOI. Quels sont les besoins de performance? Quelles sont les tâches critiques nécessitant un programme de formation? Quelles sont les sous-tâches effectuées par les employés à chaque jour, chaque semaine, chaque mois et qui aboutissent à des résultats pour l’Entreprise? Est-il possible d’évaluer les impacts de la formation sur le plancher de production, dans les bureaux, au laboratoire et à l’entrepôt, sur les quais et au volant du camion? Le niveau 3 de Kirkpatrick se soucie des comportements observables. Si la formation a été livrée de façon efficace, si les participants ont intégré le contenu, un observateur devrait pouvoir percevoir les résultats de la formation en regardant un travailleur effectuer ses tâches. C’est le niveau 3 : Impact sur le comportement.

Le prochain niveau de besoins se situe au niveau opérationnel ou le COMMENT. Une fois le QUOI identifié, il ne reste qu’à expliquer le COMMENT. Le contenu des cours doit être en ligne avec le détails qui devra être passé aux apprenants. Et Kirkpatrick répond avec le niveau 2, l’évaluation des connaissances. Les fameux questionnaires! Les participants seront évalués a un niveau cognitif. Ont-ils compris? Ont-ils retenu la matière? On peut d’ailleurs se poser la question du délai entre la diffusion du contenu et l’évaluation… Quelques jours pourraient être bénéfiques pour augmenter la valeur du résultat de l’évaluation. Le niveau 2 est donc l’évaluation des connaissances.

Le dernier niveau de l’analyse des besoins se centre sur l’INDIVIDU. Quels sont les besoins précis de formation pour un individu? À l’intérieur de ses fonctions et en considérant ses compétences, le plan de formation individualisé sera un reflet des écarts et autres manques à gagner en relation avec la somme de connaissances et de comportements requis pour accomplir ses tâches au quotidien. Au-delà du plan de formation individualisé, un autre genre de besoin doit être identifié, celui du participant. Kirkpatrick propose donc le niveau 1 d’évaluation. Loin d’être inutile, en évaluant l’appréciation des participants quant au contenu de la formation, sa pertinence, sa valeur ajoutée et son applicabilité au quotidien, ainsi que la prestance et la performance du formateur, l’évaluation de niveau 1 permet au concepteur et au formateur d’ajuster la diffusion pour satisfaire leur public. Le niveau 1 évalue donc l’appréciation du participant.

Les 4 niveaux d’évaluation de Kirkpatrick évaluent donc:

  1. L’appréciation du participant…aussi appeler évaluation « sourire » ou « smile sheet ».
  2. La rétention des connaissances
  3. Le changement de comportement
  4. L’impact sur la performance de l’entreprise
Un cinquième niveau a été proposé par Jack Phillips et concerne le retour sur investissement. Apparenté au niveau 4 mais plus élaboré, le ROI évalue spécifiquement l’impact financier.
Implicite à ces 4 niveaux est un lien causal entre eux. Il est facile et logique de faire un lien entre le niveau de satisfaction des participants (niveau 1) et la rétention du contenu (niveau 2). En effet, la logique nous dicte qu’un participant satisfait, voire heureux, apprendra mieux et devrait mieux réussir le questionnaire. Une meilleure rétention devrait également se refléter sur son comportement (niveau 3) et ainsi influencer la performance de l’entreprise (niveau 4). Ce lien causal n’a jamais été démontré de façon concluante, défiant ainsi notre logique…
En fait, aucune garantie n’existe entre un participant bien nourri, du matériel en couleurs, une note de 100% au quiz et un comportement adéquat au travail. AUCUNE. Et comme la plupart des formateurs commencent le processus d’évaluation par le niveau 1 (on cherche tous à s’améliorer et on désire ardemment des commentaires!!!) pour ensuite péniblement amorcer une démarche plus sérieuse avec le niveau 2 (le suivi des échecs peut être pénible…) et peut-être envisager ultérieurement des observations pratiques de niveau 3 (ouille… qui suis-je pour oser juger de la performance d’un travailleur??) et finir par la crucifixion au comité de gestion pour montrer d’imparfaits et d’incomplets (manque de données, peu de collaboration des superviseurs, etc., etc.) graphiques de performance pour l’évaluation du niveau 4… ouf…
Plusieurs formateurs abandonnent les évaluations après le niveau 1, parfois 2. Et c’est la faute à KIRKPATRICK! Et il l’avoue! En fait, un grand regret de M. Kirkpatrick est d’avoir inversé les numéros de niveaux d’évaluation. En effet, le niveau le plus important, en ligne avec les besoins de l’entreprise, est le niveau 4. Tout formateur devrait donc commencer le travail d’impact à ce niveau, continuer avec les observations de comportement, vérifier les connaissances et FINIR avec la satisfaction des participants.
Oh, M. Kirkpatrick, ne vous en faites pas… votre système a quand même permis à plusieurs formateurs de s’ouvrir à une pus large réalité en formation!

Par François Lavallée, M. Sc.

 

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