Règles ou réflexion
(temps de lecture 5 minutes)
Nous vivons dans un monde réglé au quart de tour.
Tout est prévu. Tout est prévisible.
Un récent article dans un quotidien faisant état des exigences du parti de l’opposition pour davantage de prévisibilité dans la gestion de la crise sanitaire qui afflige la planète depuis mars 2020.
Ah oui… Monsieur le Premier Ministre, vous devez contrôler la propagation du virus et nous dire à l’avance ce qui va arriver.
Bien sûr, Madame la Cheffe de l’opposition. Nous répondrons à votre demande en ajoutant des règles et lois qui permettront à nos citoyens de pouvoir agir en toute sécurité et sérénité pour parer à toutes les éventualités. Et bien sûr, pour contrôler le vilain virus qui ne pense qu’à varier.
Et si, par malheur, un imprévu survient, que l’Univers nous protège de notre indécision!!!
Et si, par malheur, une situation n’a pas été prévue, qu’une case ne peut être cochée sur le formulaire qui sera approuvé par un comité, eh bien, madame la cheffe de l’opposition, nous vous garantissons que nous ne bougerons pas tant que la nouvelle règle et la nouvelle case à cocher ne soit intégrée dans notre quotidien… et le nouveau formulaire.
Non madame, je vous comprends très bien… RIEN NE BOUGERA et nous attendrons que le premier ministre ne dicte une contrainte de plus.
Car nous avons besoin de tout prévoir.
C’est ça la vie.
Bon.
En fait, on pourrait presque attribuer tous les maux de notre société moderne à ce besoin de tout prévoir.
À ce besoin de s’attendre à recevoir des instructions claires et détaillées (et prévisibles!) pour toutes les situations qui pourraient survenir… Ou savoir quelles subventions nous allons recevoir en compensation pour la potentielle mauvaise gestion de la crise.
Et quand l’impossible se produit… on attend encore des instructions (et des subventions!).
Sauf que…
Sauf que…
toutes les exceptions aux règles nous permettent de survivre et de nous adapter.
Sauf que…
une personne sage
sait quand et comment faire une exception à chaque règle
sait improviser quand c’est nécessaire
ne naît pas sage, elle le devient…
Notre résilience n’est pas due à la prévisibilité tant exigée par madame la cheffe de l’opposition officielle, mais bien par la prise en charge individuelle de tout un chacun.
J’aime citer et réciter Dee Hock, président fondateur de VISA. Peu de gens savent que cette compagnie avait une organisation décentralisée et, de l’aveu de son fondateur, une gestion chaordique! Un néologisme de la fusion de chaos et ordre. Cette fusion de ces deux concepts apparemment contradictoire a permis à cette organisation de réussir là où d’autres échouaient. Un mélange d’ordre et de chaos. Dee Hock résumait sa philosophie par les mots suivants.
«Des règles trop nombreuses entraînent des comportements simples et stupides
Des principes clairs entraient des comportements intelligents et complexes.»
Relisez maintenant l’article de La Presse du 23 janvier 2022.
Réfléchissez également à la façon dont la plupart des gouvernements ont «géré» la crise sanitaire.
Évaluez maintenant le niveau d’intelligence requis pour respecter ces règles… et leurs variations au fil de la pandémie.
Comparez avec le niveau d’intelligence requis par un adulte normal pour gérer sa vie et émerveillez-vous devant la prodigieuse dichotomie!
Attention : Personne n’aimerait être à la place des têtes de gouvernements.
L’immense responsabilité et la pression qui accompagnent la gestion d’une crise de l’ampleur de la COVID n’est pas à la portée de tous. Elle n’est peut-être à la portée de… personne en fait!
Et nous savons pertinemment que les oppositions politiques de toutes les démocraties (ne parlons pas des groupes de protestations!) éprouvent un malin plaisir à critiquer avec ardeur TOUTES les décisions des gouvernements en place… jusqu’à ce que leur tour vienne et qu’il se voient maintenant critiqués eux-mêmes par la nouvelle opposition. Ce cycle tordu de démocratie qui ne fait avancer nullement les causes sociales ou économiques par les prises de décision politiques et électoralistes est en place depuis longtemps… et j’ai osé espérer que la crise sanitaire ouvrirait les yeux de nos dirigeants..
Petite misère!
Le récent film Don’t look up» m’a fait reconnecter les pieds à la dure réalité.
La lecture de «Limits to Growth, a 30 years update» a eu le même impact.
En deux mots (ou douze) : nos gouvernements ne peuvent résoudre le problème à coup d’édits, de règles, de procédures et de couvre-feux et de confinement.
En deux mots de plus, nos organisations, entreprises et corporations, ne peuvent non plus, résoudre nos graves problèmes grâce à leurs structures anachroniques, antédiluviennes et hiérarchiques axées vers la satisfaction de leurs actionnaires et vers les bonus de performance des hauts dirigeants.
Henry Mintzberg a écrit récemment sur le sujet dans son livre Rééquilibrer la société. Il suggère une troisième voie qui existe depuis la nuit des temps, qui prédate en fait les deux autres pouvoirs (le privé et le public)… la voie de la communauté, du «pluriel» comme il se plaît à l’appeler.
- Le retour aux sources, l’implication directe des gens dans leur succès,
- Arrêter de dépendre de l’état providence
- Arrêter de dépendre de son employeur
- L’initiative personnelle et communautaire…L’entraide, l’autre loi de la jungle comme le disait si bien Gauthier Chapelle, existe encore!
Ah l’initiative…
celle que la révolution industrielle et le système d’éducation a bien tenté d’étouffer depuis plus de 150 ans. En fait le «système» existe depuis plus longtemps (la première Université à Boulogne, Italie, est apparue en 1088), mais la révolution industrielle a mis un peu de pression pour apprendre aux enfants et futurs employés des manufactures à compter, lire et écrire… et surtout apprendre à arriver à l’heure, obéir aux consignes et répéter les mêmes taches sans poser trop de questions. Le système a peu évolué depuis et on se surprend maintenant que les employés de prennent pas d’initiatives et de décisions après les 12-18 ans de scolarité qu’ils viennent de subir, suivi d’une expérience de travail ou les structures hiérarchiques poursuivre la domination du patron sur les employés.
On nous a appris à suivre les règles… à la maison, à l’école et au boulot!
On nous a appris qu’il fallait des règles pour que les gens suivent les consignes et fassent ce que le boss veut qu’ils fassent. Point.
F. W. Taylor en 1911 a même officialiser le tout par ses «Principes scientifiques de la gestion» :
y en a qui pensent
et y en a qui poussent!
Les patrons pensent, les employés travaillent.
Un modèle pas si innovateur, car les religions et les armées avaient mis ce système en place depuis des millénaires.
Les démocraties modernes s’en inspirent encore avec les démagogues qui nous promettent mers et mondes, élections après les élections en haranguant les foules partisanes et la population pendant les débats télévisés.
Ah, et la pensée critique?
Et la gestion du risque?
Et la pensée systémique et complexe?
et la prise de décision et l’initiative de la part des gens et des communautés?
Absence, cruelle absence.
On dit que l’histoire nous apprend les erreurs du passé. Faut-il encore que nous désirions en tirer des leçons.
La grippe espagnole de 1918 nous avait pourtant donné une marche à suivre et des erreurs à éviter. Triste de constater que peu de gens avaient retenu ces leçons pourtant simples.
La pandémie aura pointé la lumière sur les faiblesses de nos institutions démocratiques, scientifiques et sanitaires. Deux plus, tard, et nombres de lois, règlements, contraintes de toutes sortes, nos institutions ont peu évolués.
On ne cesse de penser au retour à la normale.
Je préfère éviter le retour à l’anormal!
Règles ou réflexion…
La pandémie nous a clairement montré les limites des règles pour contrôler l’imprévisible
Les théories conspirationnistes et leurs adeptes nous ont montré l’abjecte limite inférieure de la réflexion et l’immense gouffre en éducation.
Il nous reste à essayer d’évoquer des principes clairs qui engendrent les comportements complexes et intelligents mentionnés par Dee Hock.
Ah oui… belle tentative François… il faudra d’abord changer le système éducatif et espérer que dans 20 ans, les futurs diplômés aient réappris à réfléchir.+
La méthode socratique et l’Agora des vieux Grecs ont pourtant porté fruit… ah oui, j’oubliais les leçons de l’histoire…
D’ici là, Zoom pourrait en faire autant en redéfinissant la notion de Maître enseignant omniscient et en la transformant en guide, en modèle, en mentor humble et à l’écoute des besoins de ses élèves.
Oh, mais, que deviens-je? Un vieux grognon lassé de deux années solitaires devant un écran?
Règles ou réflexion…
Seul dans mon bureau avec mes trois écrans… pas trop de règles, trop de réflexion?
Venez réfléchir avec moi aux prochains Collectifs de Réflexion !
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