Monopoles radicaux 1983
Temps approximatif de lecture : 5 minutes
Texte publié originalement en 1982 dans le cadre d’un projet d’écriture du Collège de Assomption.
Le texte est reproduit en entier sans modification.
Mon commentaire de 2020 suivra dans le prochain blog post.
L’an 2008 : un homme est assis tranquillement devant son poste d’audiovision.
Le programme terminé, I’homme appuie sur un bouton et le poste s’éteint. Une autre touche et le fauteuil de I’homme se dirige vers la cuisinette. Tout à coup, le fauteuil s’immobilise. L’homme appuie nerveusement sur toutes les autres touches : rien!
C’est la panique, que va-t-il devenir? Se lever et marcher? Impossible et impensable, trop d’efforts.
Il est condamné à attendre le réparateur automatique, quelle souffrance!
Cette scène pourrait, selon Illich, devenir possible dans un avenir très rapproché. Le développement industriel et technologique, toujours d’après Illich, conduit I’homme à la passivité. Cette passivité sera produite par les différents monopoles radicaux qui auront imposé leur suprématie sur le monde : monopoles sur les déplacements ou sur la scolarité, monopoles sur les soins médicaux ou sur les réparations bénignes, etc. Une lutte contre le monopole sous toutes ses formes devient urgente. Le seul moyen de régler définitivement ce problème est de faire cesser Ia croissance économique et de retourner à Ia société dite conviviale d’antan, si on suit la ligne de pensée d’lllich. Certains approuveront, d’autres, au contraire, préconiseront d’autres solutions. J’appartiens à ce dernier groupe et les lignes qui suivent vous feront part d’une possibilité de lutte contre le monopole radical.
Depuis que les hommes existent, un fait ressort : les gens affrontent plus volontiers un danger menaçant leurs intérêts privés que ceux du corps social pris comme un tout ». À titre d’exemple simpliste : combien de fois, en tondant la pelouse, a-t-on dirigé la tondeuse de façon à ce que I’herbe aille chez le voisin ou dans la rue? Des exemples comme celui-ci se comptent par milliers chaque heure. Jeter un papier ou une allumette semble anodin, mais, ce faisant, la simple allumette devient une montagne de détritus. En instaurant le socialisme dans les structures dans certains pays, on a cru à une solution de I’économie. Ce ne fut que victoire à la Pyrrhus. L’intention y était, mais le peuple n’était pas prêt à un tel système , d’ailleurs le sera-t-il jamais? Le fait que rien n’appartienne au secteur privé n’arrange pas les choses, cela ne fait qu’accroître le vandalisme. L’esprit humain semble construit pour ne protéger et ne conserver que ce qu’il juge utile, les autres passant après. Mais peut-être que Ia solution découlera de ce principe?
Quand I’homme apercevra le danger qui le menace, lui, les siens et son petit univers clos, il reviendra de lui-même à la société conviviale que préconise Illich. Cependant, ce retour aux sources ne doit pas être vu comme un refus au développement et à Ia technologie! Au contraire, ce serait plutôt une acceptation à un développement contrôlé. Je m’explique. Le mot convivialité et son concept, de par leur nature, sont en fait I’explication : vivre avec I’économie, pas pour l’économie. Toutefois, nous avons amorcé un processus de non-retour. Comment allons-nous en sortir?
Si un danger menace I’homme, on prend les moyens pour lutter contre ce fléau. Notre époque est riche de tels moyens, d’où vient donc le problème?
De I’ignorance du danger.
Il est là, il nous entoure et nous guette, mais nos yeux, aveuglés par la puissance du vingtième siècle, ne le voient tout simplement pas. Pour prévenir un danger encore plus grand, il faut ouvrir les yeux.
Le moyen? L’information, de laquelle découlerait une prise de conscience de la masse vis-à-vis les vices du développement.
L’information pourrait être acheminée, vers les foyers par les médias de toutes sortes.
Cette stratégie a fonctionné avec succès pour sensibiliser les gens vis-à-vis pour la lutte contre la pollution, la cigarette, l’alcoolisme, et le cancer. Pourquoi ne pas l’utiliser pour lutter contre les méfaits du monopole radical ? Ne pourrait-il en être de même pour la lutte contre la passivité?
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Avec I’information nécessaire, les gens seraient en mesure de se rendre compte eux-mêmes, par la suite, des dangers qui peuvent survenir si on ne prend pas au sérieux
le monopole radical. La solution finale ne viendra pas de la grande masse, mais des petits groupes d’individus. Ces groupes, qui auront choisi I’exil à l’intérieur de la société, auront réalisé qu’ils s’en seraient mieux sortis s’ils étaient débrouillés seuls au début. On réapprendra à clouer des planches et à cuisiner sans produits usinés (coopératives d’habitation). Cette prise de conscience accomplie, une réaction en chaîne s’ensuivra et Ia masse fera de même.
Ceci dit, on peut reprendre I’exemple du début comme suit :
L’an 2008 : un homme est assis devant son poste d’audiovision. Le programme terminé, I’homme appuie sur un bouton et le poste éteint. Une autre touche et le fauteuil de I’homme se dirige vers la cuisinette. Tout à coup, le fauteuil s’immobilise. L’homme appuie calmement sur les autres touches, rien. C’est la panne. 11 n’en est pourtant pas alarmé, il sait comment réparer la petite panne les cours de mécanique, donnés en prévision de ces pannes, serviront une fois de plus. II se lève et marche vers la cuisine : les séances d’entraînement ont toujours du bon! Il répare et tout est arrangé.
L’information a, dans cette scène fictive, fait I’effet désiré. L’homme sera-t-il raisonnable? Acceptera-t-il de recevoir et d’appliquer cette information? La prise de conscience du danger sera-t-elle suffisante pour combattre ces fléaux du vingtième siècle que sont les monopoles radicaux? Quand I’homme redeviendra individualiste et qu’il cessera de s’accrocher à Ia société pour combler ses besoins, il sera sauvé
de la menace que font pointer Ie développement. L’homme acceptera-t-il d’être conseillé?
L’avenir nous le dira, mais j’ai confiance en l’Homme.
Bibliographie
La convivialité, Yvan Illich, Paris, Ed. Du Seuil, 1973
La suite la semaine prochaine….
Credit de photo : camilo jimenez sur Unsplash
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