Le point de vue expert
On le demande souvent.
En fait, on me demande souvent mon point de vue. Comme si j’étais un expert!!Ce n’est pas par fausse humilité que je ressens un malaise. (Les participants savent ce que je pense de l’humilité…) J’ai aussi un grand malaise quand je vois sur les cartes de visite le mot «expert».
- Expert en communication,
- Expert en stratégie
- Expert en développement d’affaires.
Je me souviens de cet « Expert » qui se vantait de sa grande expérience et de ses talents incroyables pour trouver des clients et garantir des rendez-vous. Je me suis laissé convaincre et je l’ai engagé! Quelques heures et des centaines de dollars plus tard et je recevais les résultats de son «expertise» : un tableau Excel et quelques noms surlignés… les clients potentiels qui acceptaient de… se faire rappeler!
Ah?
C’est ça un expert en développement d’Affaires?
Le même gars qui a aussi fait une présentation devant un groupe réduit de gens d’affaires et peinait à s’exprimer correctement lorsque le temps est venu de répondre à des questions pointues et de parler «des vraies affaires»… Ah tiens… notre expert se dégonflait devant les questions plus critiques qui perçaient la brume de son «expertise».
Nous vivons dans un monde qui valorise les experts.Avec raison! Ces experts …
- nous soulignent des problèmes que nous n’avions pas envisagés
- Ils nous montrent la réalité avec une perspective nouvelle
- Ils nous indiquent des solutions potentielles que nous n’avions pas imaginées
- Ils brossent un tableau de notre situation en regard de leur expérience avec des dizaines, des centaines d’autres clients
Mais… sont-ils toujours la solution à nos problèmes?
Existe-t-il une autre façon de régler nos problèmes et de comprendre nos situations?
Je transige souvent avec des experts. Lors de mon passage dans le monde académique, pendant ma maîtrise en biologie moléculaire, je côtoyais tous ces Ph. D. et Postdoc de grande réputation et j’étais très impressionné par leur savoir.
Jusqu’au jour où…
- Je rencontre cette étudiante qui prépare sa défense de thèse et qui peine à expliquer le lien entre son sujet et cet article qui vient de paraître…
- Je discute avec l’étudiant d’un directeur de laboratoire qui me dit que son patron a une drôle de façon d’analyser les résultats des expériences récentes, en focalisant sur la section des données qui prouvent son hypothèse et en délaissant le 80 % des données qui démontrent plutôt le contraire…
- J’écoute un médecin spécialiste qui débute son postdoc et ne parle que de sa spécialité en négligeant plusieurs facteurs hors de son champ d’expertise…
- Je tente d’expliquer à un de mes profs de biologie cellulaire que les facteurs de transcription, nouvellement découverts (en 1987) sont peut-être moins nombreux que l’on pense, mais que la combinaison d’un nombre restreint de ceux-ci pourrait peut-être… et de me fait dire, du haut de son expertise, que j‘étais bien naïf et inculte…
- Je tente de comprendre pourquoi je n’arrive pas à produire les résultats escomptés et que mon directeur de thèse me dit que les erreurs de manipulation sont la cause et non mes hypothèses de conformation secondaire de l’ADN qui pourraient expliquer les observations expérimentales.
J’ai longtemps tenté de me convaincre que tous ces experts avaient raison et que j’avais tort. Après tout, je n’étais pas un expert.
Mais lentement, après 30 années sur le marché du travail, je me rends compte que l’Expertise est surévaluée.
Oh, les experts existent!
En moins grand nombre que les experts autoproclamés le prétendent cependant.
Ce que je réalise aussi, en voyant entre autres les bourdes de plusieurs dirigeants et politiciens, est qu’une autre forme d’Expertise émerge depuis plusieurs années. Une expertise plus humble, plus répandue et plus holistique. Moins centrée sur le détail et plus orienté vers la globalité et la complexité inhérente de nos environnements.
Je tressaille chaque fois qu’un me demande mon avis en tant qu’expert.
Je me considère surtout un néogénéraliste. J’ai développé mon «expertise» en observant ce qui m’entoure et en faisant plusieurs expériences, des bonnes et des moins bonnes. En osant tester plusieurs paramètres, en essayant plusieurs alternatives et en demandant de la rétroaction. Ah oui, en demandant humblement à mes clients la permission de faire ces tentatives… en apprenant ensemble et en se faisant mutuellement confiance.
Et oui, en prenant des risques.
En notre monde de volatilité, d’incertitude, de complexité et d’ambiguïté, le besoin de ne plus prendre des risques est omniprésent autour de nous.
De la sécurité à outrance pour les enfants en passant par les structures rigides de nos organisations, de l’abondance de procédures et processus stricts et inhumains de nos bureaucraties et par les algorithmes qui envahissent nos vies en nous enlevant la capacité de décider et de filtrer les informations autour de nous, le risque ne fait plus partie de nos vies.
Et pourtant… le risque est l’épice de nos vies!
Je suis un néogénéraliste.
- J’explore avec enthousiasme une pléthore de sujets.
- Je me renseigne sur plusieurs champs d’Expertise.
- Je creuse quelques semaines par ici et par là pour mieux comprendre et intégrer ce que je vois en un tout cohérent pour ma pratique et au bénéfice de mes clients.
- Je propose des lectures à mes clients selon les mandants qu’on me confie.
- Je pose des questions, beaucoup de questions.
- Je développe des expertises variées sans jamais devenir un expert en la matière…
- Eh non… je ne deviens pas expert.
- Je reconnais les experts, les vrais autour de moi.
- Je participe à des groupes de discussion avec ces experts… et je ne parle pas beaucoup, je vous jure!
Un jour, j’ai eu une épiphanie…
Un médecin spécialiste à qui je parlais m’a permis de mieux comprendre la relation entre lui et moi. Il connaissait tout de son domaine, mais ignorait comment programmer son GPS ou comment configurer le pavé tactile de son ordinateur portable…
Il connaissait tout sur un champ d’expertise immensément réduit et je connaissais un peu de tout sur tout le reste.
Il savait tout sur relativement… rien.
Et je ne connaissais relativement rien… sur tout.
Il avait excavé et maîtrisé toutes les connaissances de son champ d’Expertise. Il était expert et solitaire dans ce trou profond de connaissances!
Et moi je me trouvais sur un pic élevé qui me donnait la possibilité de voir à l’horizon dans toutes les directions.
Notre position est simplement inversée.
Nous sommes complémentaires.
J’en suis conscient par ma position et lui… un peu moins, à cause de la profonde obscurité qui l’entoure.
Vivre dans ce puits profond de connaissance a tendance à diminuer les perspectives en effet.
Les néogénélistes sont de plus en plus présents dans nos sociétés. Ces polymathes connaissent le web, le marketing, les techniques de vidéomontage et la robotique entre autres.
La plupart sont relativement jeunes et prêts à changer le monde.
Ils ont besoin des guides qui les ont précédés et la société a besoin de leurs vastes perspectives et de leur énergie
Cette société qui a plus que jamais besoin de l’intelligence collective qu’elle recèle,
Pas seulement de l’Expertise des experts, mais aussi celle, tout aussi pertinente et tellement plus vaste du reste des gens qui, ensemble, peuvent contribuer à l’évolution des solutions et permettre une innovation plus complète, plus globale, plus respectueuse.
Les experts du passé ont contribué à la société moderne telle que nous la connaissons. Leurs visions restreintes de la réalité ne pouvaient inclure la grande complexité de nos écosystèmes, fussent-ils biologiques, économiques ou sociaux.
La récente pandémie a confirmé l’impact de la globalisation. Le choc pétrolier des années 70 avait pourtant envoyé un message clair. Le trou de la couche d’ozone aussi. Les changements climatiques, encore mis en doute par certains états et dirigeants, nous montrent lentement, mais résolument et inexorablement que le savoir de ces experts qui négligeaient de prendre en compte l’ensemble des facteurs, ce savoir ne suffit pas.
L’aptitude des néogénéralistes à voir plus large, plus humblement, ce qui nous entoure pourrait être salutaire. J’oserais aussi ajouter que ces néogénéralistes ont une propension à utiliser leurs réseaux de contacts pour aller chercher l’aide requise, à collaborer plus aisément que les experts d’antan qui recherchaient surtout le crédit de la découverte .
Je le répète, nous sommes complémentaires.Nous ne sommes pas des acteurs dans un jeu à somme nulle. La synergie entre les experts et les néogénéralistes sera la pierre d’aile de notre succès futur.
Ils ne restent qu’à convaincre les experts qu’ils ne sont plus les seuls capables de tout régler.
Bon.
Et moi qui voulais finir de façon positive… on repassera.
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