IA : Des données à l’information

J’ai eu la chance en novembre 2024 d’assister à une présentation des « prouesses » de Co-Pilot de Microsoft.

Depuis l’avènement de ChatGPT le 30 novembre 2022, les Intelligence artificielle (IA) font partie de nos vies. Les IA existent depuis longtemps ! D’abord dans les livres de science-fiction, ensuite dans nos films (pensez à 2001 l’Odyssée de l’espace, Terminator et au duo R2D2/C3PO entre autres) et bien sûr dans la tête des informaticiens, probablement inspirés par les naïves fantaisies de leurs auteurs de science-fiction préférés…

Les succès de Big Blue contre le grand maître des échecs Garry Kasparov en 1997 et la victoire de DeepMind contre le champion de Go, Fan Hui, Nous ont ensuite placé devant une nouvelle réalité : les IA s’en viennent. Mais tout ça semblait quand même loin de nos activités quotidiennes.

La venue de Chat Ppt a changé dramatiquement notre perspective.

En l’espace de quelques mois, ChapGPT est devenue une des technologies adoptées le plus rapidement par une partie de la population. L émonde des finances et les investisseurs de capital de risques sautèrent sur les occasions et le monde entier semblait prêt à prendre ce virage technologique.

Les craintes d’être remplacé par une IA surgirent partout dans les organisations. Tout ce qui pouvait être automatisé le serait… on le savait, mais cette peur s’est accélérée exponentiellement lorsqu’on a vu les prouesses de ChatGPT à écrire des textes, ré-écrire et corriger des rapports, élaborer des stratégies d’entreprises…en quelques secondes ! Les IA générant ensuite des images de synthèse, des films complets, des traductions de films, des pièces de musiques instrumentales et chantées ne firent que confirmer ces craintes ! Les IA furent rapidement intégrées dans les moteurs de recherche et dans la suite bureautique de Microsoft.

CoPilot peut maintenant générer une présentation PowerPoint ou une offre de service entre un fournisseur et un client à partir d’une roquette relativement bien formulées.

Du moins, en théorie.

Je fus étonné de la rapidité avec laquelle CoPilot a pu assembler une présentation avec de superbes images et un design de diapositives informatives. Très standard, mais informatives. Je fus aussi étonné de voir que le démonstrateur, après 5 tentatives, ait dû abandonner son désir de nous montrer comment CoPilot pouvait quérir des informations concernant un fournisseur et un client pour créer une offre de service. Ooops. Ça arrive…

Bref CoPilot fait actuellement un bon boulot pour créer des documents…pour un employé moyen et sans expérience.

Plusieurs informations de la présentation n’étaient pas à jour et contenait des erreurs, mais, à la défense du démonstrateur, il a simplement écrit une requête et n’a pas révisé la présentation avec rigueur avant de nous le montrer. On a mis l’accès sur la performance et la rapidité.

Impressionnant, oui, mais…

Au-delà du design standard, des erreurs mineures et du fait que le sujet présenté était banal, je me suis senti un peu inconfortable. Ce que j’ai vu m’a laissé dans le même état qu’un tour de magie : des miroirs et de la fumée pour créer une illusion. Quiconque a déjà créé un document important sait que le côté sexy d’un rapport, d’une offre de service, d’une présentation stratégique peut avoir un certain impact. Mais ceci impressionne les amateurs.

Les professionnels voient au-delà de l’illusion.

Ce que j’ai vu était standard. Ordinaire. Banal. Je sais que ceci s’améliorera de façon exponentielle et très rapidement. Ce que j’ai vu était la raison pour laquelle les gens décrochent si rapidement pendant une présentation, une formation, une conférence, un webinaire ou en général pendant une réunion. Co-Pilot génère de l’information à partir de données qu’il récolte sur le Web ou dans le cas d’une licence payante, dans les dossiers de votre organisation. Co-Pilot génère de l’information résumée, structurée, dans un format généralement acceptable et visuellement agréable.

La démonstration était brève et orientée vers l’objectif évident de nous convaincre que CoPilot est essentiel.

Oh, il est rapide c’est certain.

Ce qui est aussi certain est cet insidieux encouragement à accepter la médiocrité et la paresse intellectuelle. Oui, ça fait « la job », mais où est la surprise, où est l’enthousiasme et plus important encore, où est le gain d’expérience et d’expertise ? Si on utilise les IA pour résumer du contenu sans faire l’effort des recherches, où seront l’apprentissage et la croissance ? Les IA sont comme l’injection de stéroïde anabolisant : le muscle gonfle, mais contourne la volonté de faire l’exercice. Le but de l’existence est=il seulement d’accomplir des objectifs ou de profiter du voyage et du parcours vers l’objectif ?

J’ai travaillé sur la traduction du livre « Organize for complexity » de Niels Pleaging en 2021. J’ai lu et relu le livre 4 fois avant de le relire 3 fois pendant la traduction. Un passage m’est revenu à l’esprit en assistant à la démonstration de CopIlot.

Je reproduis et adapte le dessin qui accompagne le passage. Le genre de dessin qui m’inspire et me fait réfléchir.

Comme Niels Pflaeging le mentionne, il est essentiel d’identifier les liens entre les éléments de données pour créer un premier niveau d’information. C’est ici que des outils comme CoPilot sont intéressants. La suite est cruellement absente dans l’utilisation à grande échelle des IA pour simplement accélérer la production de contenu. Il est crucial ensuite de filtrer le tout, de rassembler les éléments d’information et de dégager une forme de connaissance. L’étape suivante est la réflexion qui mènera à la création de nouvelles conclusions seulement avec une pensée lente et profonde, peut-on ainsi espérer trouver un sens et acquérir de l’expertise.

Bref, l’utilisation des outils d’intelligence artificielle risque de faire

la promotion de la vitesse

et de la performance

aux dépens de la recherche de profondeur

et la création de sagesse

tout en encourageant l’absence de pensée critique.

Le danger de glissement vers la paresse intellectuelle est grand.

La quête de la productivité et de la profitabilité risque d’inciter plusieurs organisaient à limoger leurs experts et les remplacer par la pseudo-expertise des IA générateurs de contenus.

On l’a vu avec l’arrivée des traitements de textes qui ont remplacé les secrétaires. Ces personnes qui avis un rôle plus large que simplement dactylographier les lettres, les les mémos ont disparu progressivement en même temps que la rigueur de la sémantique et de la syntaxe dans les communications « officielles ». On l’a vu avec l’arrivée de plusieurs autres technologies qui ont servi de prétexte à l’élimination de facture humain dans les entreprises. Que ce soit la prise de rendez-vous automatique en ligne, la boîte vocale ou les chat-bot sur la plupart des sites web, l’humain a été remplacé au profit d’une technologie apparemment plus efficace. Nos bureaucraties déjà rigides se sont sclérosées davantage à l’arrivée des technologies d’automatisation en éliminant toute possibilité d’exception aux règles, exceptions légitimes et rendues possibles seulement grâce à l’intervention humaine.

J’ai donc assisté à une présentation de ces nouveaux outils offerts par Microsoft (évidemment la licence gratuite de base est légèrement fonctionnelle…on vous suggère rapidement la version plus avancée moyennant une mensualité récurrente dont vous ne saurez vous passer l’an prochain !).

Impressionnants outils.

Vraiment.

Et je ne peux qu’imaginer la qualité de ce résultats avec les versions plus avancées qui arriveront rapidement. Mais pour le moment, c’est impressionnant… C’est à-dire que la plupart des gestionnaires vont être impressionnés par la vitesse d’exécution et par le potentiel de gain de temps.

Et pour le moment, c’est aussi immensément … banal.

Du niveau de banalité équivalent à ce qui se fait actuellement dans les organisations traditionnelles.

Mais qui veut être comme tout le monde en 2024 ?

Un client m’a un jour expliqué pourquoi je n’avais pas obtenu le contrat qui aurait pu l’aider. « Francois, imagine que tu es une crème glacée au chocolat de luxe.

Eh bien, on voulait une crème glacée de base, à la vanille artificielle. »

Mais qui veut être comme tout le monde, ou une crème glacée à la vanille artificielle en 2024 ?

Je préfère me distinguer et travailler un peu plus pour y arriver. Au moins j’ai la certitude que la crème glacée au chocolat sera encore au menu longtemps même s’il y aura toujours de la vanille artificielle pour faire la compétition !

Allez Co-Pilot…fais de ton mieux…ou de ton pire !

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