20 ans de perspective

20 ans de perspective

10:08

Devant un urinoir.

Et j’ai bien ri en entendant cette blague trop grosse pour être véridique,

pendant quelques secondes.

On se souvient tous de ce moment où nous avons pris connaissance de ce moment historique et tragique.

9/11

Deux nombres qui sont plutôt associés à du secours (911) qu’à une attaque.

Qui plus est, une attaque terroriste. Deux mots qui n’étaient pas du tout communs avant cette date fatidique, il y a maintenant 20 ans.

La vie a bien changé depuis.

Prendre un avion et attendre 3 heures avant l’embarquement est chose courante.

Avoir un regard suspicieux envers les extrémistes et les signes religieux en général aussi.

La remontée inquiétante des White-suprémacists Trumpistes …

Mais ça, c’est après…

Il y a aussi un “pendant”.

À 10:05 en ce mardi 11 septembre 2001, devant l’urinoir, je savourais un moment de fierté et de satisfaction (aucun bien avec la baisse de pression vésicale en passant) après une conférence de Robert Haccoun, professeur de l’Université de Montréal et de Toronto, sur la Formation. Une conférence qui s’inscrivait dans le cadre d’un congre bisannuel dont j’étais le Chairman cette année là. Une première édition canadienne depuis la fondation de cette association américaine, le GMPTEA (pour l’industrie pharmaceutique). Nous avions un programme incroyable ! 150 participants du Canada et des USA principalement, à l’hôtel OMNI du centre-ville de Montréal. La devise canadienne étant si faible à l’époque, nos collègues américains en avaient pour leur argent! 

Pas autant que nous ne l’aurions imaginé!

Après une soirée du dimanche excitante, un lundi stimulant, une première conférence du mardi matin extraordinaire…je me retrouvais à la tête d’un groupe de professionnels traumatisés et prisonniers d’un pays aux frontières bloquées et d’un centre-ville cordonné!

Comment réagir à une situation semblable?

Comment supporter 150 personnes en état de choc, dans un hôtel en crise, avec des témoignages de leurs collègues des usines américaines avoisinant New York qui appelaient pour dire qu’ils voyaient la fumée des tours de leur fenêtre de bureau!

On dit que nous avons tous des talents cachés. Certains n’émergent jamais, d’autres surgissent dans des circonstances spéciales. J’ai découvert ce jour-là que je peux être un excellent gestionnaire de crise. Je le dis avec humilité et sincérité. Mais je dois l’admettre, bien que je préférerais ne pas avoir eu à le découvrir.

Ce matin-là, une fois mon choc passé et la réalisation que mon collègue de salle de bain qui m’annonçait la nouvelle des deux avions qui avaient percuté le WTC ne blaguait pas, malgré l’immensité et l’incongruité de la nouvelle, je sautais dans l’action.

1- Valider l’information : facile , toutes les télévisions du monde montraient la même séquence en boucle.

2- Prendre conscience de l’état de crise des participants du congrès : facile aussi, ..Panique générale, pleurs et incrédulité se lisant sur le visage de tout un chacun!

3- Appeler le centre d’aide psychologique de notre compagnie, hôtesse de l’évènement, pour monopoliser un ou deux psy qui viendraient supporter nos collègues américains à l’hôtel

4- Laisser 30 minutes passer et prendre le contrôle de la situation : tout le monde dans la grande salle.

5- Communication et changement de programme : 

• frontières fermées, 
• nous sommes bloqués ici pour quelques jours
• support psychologique disponible aux chambres # x et Y
• pour tout le monde, on se serre les coudes et on continue le programme pour se calmer
• Programme spécial “feel good” en après-midi ( mon équipe a couru les magasins du centre-ville pour acheter des objets requis pour le programme spécial
• Ah oui…la soirée avec Trio Jazz aura lieu quand même et sera particulièrement importante.

6- Appel à la maison pour rassurer ma conjointe qui s’occupait des enfants ce jour-là. J’étais bloqué au centre-ville cette nuit-là. Autre petite crise et inquiétude…

Je ne sais pas ce qui s’est passé vraiment, mais tout a marché. (Quoique la vue des édifices illuminés du centre-ville à travers les baies vitrées de la Terrasse de l’hôtel tenait du surréel!). Les gens avaient peut-être besoin de se faire guider. Nos propositions étaient peut-être parfaitement adéquates (j’en doute, mais bon..même une blague avec un gorille a fait rire les participants…je n’en reviens pas …et je ne me souviens pas de la blague…).

Notre équipe a géré la situation et le lendemain tout le monde a pu rentrer à la maison par voie terrestre. 

Le reste de la semaine a passé très vite. Le monde entier , en état de choc, se posait encore des questions. La fin de semaine qui a suivi … hein ? Quoi? Mon cerveau s’est mis en mode post-traumatique et je n’ai aucun souvenir des jours suivants. Rien. Je faisais des ballounes

…

20 ans déjà.

20 ans de perspective

Les évènements du 9/11 ont frappé notre imaginaire par leur violence, nous , en Amérique, qui n’avons jamais connu les affres de la guerre moderne. La puissance militaire américaine n’a pu régler le problème terroriste, mais le complexe militaro-industriel a pris de l’ampleur et la militarisation des corps policiers n’a pu endiguer le mal-être grandissant du XXIe siècle. Les évènements terroristes font partie de notre quotidien et sont exacerbés par les médias en quête de sensationnalisme.

Ah oui… et les réseaux sociaux se sont implantés pour alimenter toutes les hargnes que nous pouvions secrètement garder en privé.

Ceux qui n’ont pas vécu ces événements ont regardé les images comme un film d’action sans imaginer l’horreur et le choc, le traumatisme que nous avons vécu.

Bizarrement, j’ai écouté plus de films de guerre depuis ce temps et je réalise que les séquences de violence ont un impact psychologique plus puissant qu’avant.

“Avant”… 

Oui, il y a un “avant” et un “après” 9/11.

20 ans depuis ce jour.

Oui la vie a bien changé…

Sauf que …un petit virus a encore davantage changé nos vies depuis décembre 2019. Et de façon plus durable et plus globale.  Si la guerre  à la terreur a coûté plus de 3000 milliards USD depuis 20 ans, la lutte au virus approche les 80 000 USD en moins de 2 ans.

Question de perspectives.

La vie continue et la pandémie nous démontre encore une fois que l’Humain est résilient et adaptable. Malgré l’horreur, malgré la douleur, malgré la violence, malgré la maladie, malgré la loi de la jungle , la loi du plus fort, l’Autre loi de la jungle se fait aussi sentir…dans les moments difficiles l’Humain, comme la plupart des animaux, se retournera pour aider son voisin.

L’Autre loi de la jungle

L’entraide.

20 ans après le 9/11, il me semble qu’on devrait davantage souligner les aspects positifs , bien que transitoires, d’une crise, quelle qu’elle soit.  Les gestes héroïques, les actions bénévoles, le dévouement des intervenants de premières lignes, l’Humain à son meilleur.

Comme le disait Stéphane Laporte en ce matin du 11 septembre 2021.

“Le 11 septembre 2001, l’Amérique ne pensait qu’à se venger.

Le 11 septembre 2021, l’Amérique ne devrait penser qu’à faire la paix.”

La pandémie nous a démontré les limites de nos systèmes de santé et le dévouement de notre personnel soignant ! Bien que les anti-vax et conspirationnistes de toutes sortes ajoutent au fardeau de la pandémie, la majorité de la population a su s’adapter  et demeurer bienveillante malgré tout.

Il y a de l’espoir.

20 ans de perspective

20 ans de recul nous permettent-ils d’apprendre de nos erreurs et de faire mieux la prochaine fois?

2 ans de pandémie et 80 000 milliards nous aideront-ils à voir plus clair à travers le smog de nos excès et nos ambivalence climatiques?

Aurons -nous le courage et la lucidité nécessaire pour aller de l’avant sans laisser en héritage à nos enfants un passé et une histoire sans sagesse reposant sur une planète qui elle, s’en tirera malgré les sévices auxquels nous l’exposons?

“Life always finds a way”

Ian Malcom, Jurassic park

À nous de décider de faire partie de cette vie.

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